Portraits

« Me gustaría creer en Dios para darle las gracias pero sólo creo en Billy Wilder. Gracias Mr. Wilder* »

Fernando Trueba est un cas exemplaire d’une vocation précoce et d’une vie consacrée exclusivement au cinéma et à ses différents métiers : acteur, réalisateur, producteur, scénariste. Il est l'une des figures marquantes du cinéma de la transition démocratique en Espagne.

Chico & Rita, le dernier film de Fernando Trueba, sort au cinéma le 6 juillet 2011.

Fernando Trueba
Né le 18 janvier 1955 à Madrid, Fernando Trueba rêve d’abord d’être peintre comme son idole Picasso, il adore les chansons de Georges Brassens et fréquente très jeune les cinémas de quartier. Dès l’âge de 16 ans, il tourne un court-métrage, documentaire sur le sculpteur Eduardo Chillida. En 1973, il s’inscrit au département de l’image à la Faculté de Madrid, tourne un long-métrage en super 8, Los nuevos filósofos, et commence à écrire des critiques de cinéma dans l’hebdomadaire La Guía del Ocio de Madrid puis, à partir de 1979, dans le quotidien El País. En 1981, il fonde sa propre revue, Casablanca, dans laquelle il rend hommage à ses grands maîtres et modèles : Lubitsch, Wilder, Berlanga, Renoir, Truffaut.

Sa carrière de réalisateur commence vraiment en 1980 avec Ópera Prima, dans lequel jouent Antonio Resines et Marisa Paredes. Catalogué comme comédie madrilène urbaine, ce premier film est un authentique phénomène de société en Espagne. Il apporte un ton nouveau, une légèreté, une fraîcheur qui frappent les spectateurs au moment où commence le phénomène de la Movida.

A partir de cet instant, Fernando Trueba va présenter de façon régulière des films dont certains seront d’immenses succès populaires. Sal Gorda (1984), une autre comédie madrilène assez médiocre, puis Sé infiel y no mires con quien (1985), adaptation d’un vaudeville anglo-saxon de Ray Cooney et John Chapman, sur une proposition du producteur Andrés Vicente Gómez. A sa grande surprise le film obtient un immense succès avec plus d’un million de spectateurs.

En 1986, pour El año de las luces, il bénéficie de l’aide du scénariste Rafael Azcona. Trueba y évoque avec délicatesse les amours et les désirs adolescents, d’autant mieux représentés que ce sont les débuts de Maribel Verdú et de Jorge Sanz, qui deviendront de grandes stars du cinéma espagnol. L’année des lumières sera son premier film distribué en France. Le film obtient l’Ours d’Argent au festival de Berlin. Après avoir produit La mujer de tu vida (1988), série d’épisodes pour la deuxième chaîne de télévision espagnole, il tourne en anglais El sueño del mono loco (1990), inspiré d’un roman de Christofer Frank. Le film est récompensé par 6 Goya.

L’année 1990 lance une décennie particulièrement riche en créations de tous genres : Trueba produit pour la télévision 4 films sur l’art primitif, Magos de la tierra, il met en scène au théâtre une pièce écrite par Eric Rohmer, El trío en mi bemol, et prépare ce qui sera son plus grand succès international : Belle Epoque (1993), une histoire d’adolescents libérés de toute contrainte dans les débuts de la Seconde république espagnole. Cette comédie érotique où l’on retrouve le style ironique et sarcastique de Rafael Azcona est portée par une direction d’acteurs renommés dont Fernando Fernán Gómez, Agustín González, Chus Lampreave, Jorge Sanz, Gabino Diego, Maribel Verdú, Penélope Cruz et la sensuelle Ariadna Gil, qui deviendra l'une de ses actrices fétiches… Le film obtient 9 Goya et, récompense suprême, l’Oscar du meilleur film étranger à Hollywood (le deuxième pour le cinéma espagnol, après Volver a empezar de José Luis Garci). Ce jour-là, en recevant son prix, Trueba prononce la célèbre phrase : « Me gustaría creer en Dios para darle las gracias pero sólo creo en Billy Wilder. Gracias Mr. Wilder* ».

Encouragé par ce triomphe, Trueba tourne aux Etats-Unis une comédie légère, Two Much (1995), avec Antonio Banderas, Melanie Griffith et Daryl Hannah. Le film est un échec cuisant en Amérique et triomphe en Espagne (2 millions de spectateurs). En 1998 avec La niña de tus ojos, Trueba raconte l'histoire d’une vedette espagnole qui est obligée de chanter et de danser dans l’Allemagne nazie. Cette Macarena est la réincarnation de la grande chanteuse Imperio Argentina, qui connut ce destin curieux. La beauté de Penélope Cruz et le scénario corrosif de Rafael Azcona font de ce film un triomphe. En 2002, Trueba adapte le roman populaire de Juan Marsé, El Embrujo de Shangai. Le film est un échec dont souffrira le réalisateur. Trueba vérifie à cette occasion la difficulté d’adapter au cinéma un roman imprégné de références filmiques et historiques sur la période franquiste. Trueba est plus habile à mettre en scène l'adolescence qu'à analyser un pays en pleine décomposition morale et physique.

Pour surmonter sa déception, Trueba produit un film de son frère David, tiré du roman à succès Soldados de Salamina de Javier Cercas, et se lance dans la production de disques pour Calle 54 Records, où il réunit Bebo Valdés et Diego El Cigala. Il ouvre également, en 2003, un club de jazz à Madrid, appelé Calle 54. En 2005, il réalise un documentaire sur la musique brésilienne : El milagro de Candeal, qui reçoit le Goya du meilleur documentaire. Tout cela donne l’impression que Trueba renonce au cinéma de fiction, après l’échec commercial et critique d'El embrujo de Shangai. Mais en 2009 le réalisateur revient enfin à la fiction avec El baile de la victoria, film tiré du roman éponyme de l’écrivain chilien Antonio Skármeta. Cette histoire de deux prisonniers chiliens qui retrouvent la liberté avec la démocratie n’a pourtant pas permis à Trueba de renouer avec le succès.

Infatigable, comme toujours, Trueba annonce deux réalisations en préparation : un film d’animation, Chico & Rita, en hommage au musicien brésilien Bebo Valdés, et un long-métrage en langue française, L’artiste et son modèle, sur un scénario de Jean-Claude Carrière. On comprend qu’il ait pu dire au journal El País : “Sí, soy prisionero de mi amor por el cine".
 
* J'aimerais croire en Dieu pour le remercier mais je crois seulement en Billy Wilder. Merci Monsieur Wilder.

+ d'infos
Filmographie
 
Ópera prima (1980)
Mientras el cuerpo aguante (1982)
Sal gorda (1984)
Sé infiel y no mires con quién (1985)
El Año de las luces (1986)
El Sueño del mono loco (1989)
Belle Époque (1992)
Two Much (1995)
La Niña de tus ojos (1998)
Calle 54 (2000)
El Embrujo de Shanghai (2002)
El Milagro de Candeal (2004)
El Baile de la victoria (2009)
Chico y Rita (2011)
 

À lire aussi
Chico & Rita
Films | Chico & Rita
Une banale histoire d'amour ? Cuba, années 2000. Chico parcourt les rues de La Havane d’un air détaché. Il déambule plus qu’il ne marche. De fait, il accomplit avec résignation les mêmes gestes auxquels il s’est habitué, en homme solitaire. Sitôt rentré, il allume la radio… Le son de quelques notes et le doux fredonnement... Lire la suite