Interviews

Laurent Hugues, directeur des Reflets de Villeurbanne

"Les Reflets de Villeurbanne, c’est un festival à échelle humaine" 
Du 13 au 27 mars se déroulera à Villeurbanne, au cinéma Le Zola, le festival les Reflets du cinéma ibérique et latino-américain. En avant-première, le nouveau Almodovar sera diffusé lors de la soirée d'ouverture du festival. Interview de Laurent Hugues, directeur général du cinéma Le Zola.
Laurent Hugues, directeur des Reflets de Villeurbanne

Quels sont les principaux thèmes des films du festival cette année ?

Les films de cette 29ème édition des Reflets portent beaucoup sur la mémoire historique et la quête d'identité. Il s'agit en fait de se retourner sur son passé pour pouvoir regarder vers l'avenir. C'est une thématique que l'on retrouve chaque année mais plus encore cette année.

Vous avez choisi pour la soirée d'ouverture le film Les amants passagers du réalisateur très connu Pedro Almodovar. Pourquoi ce choix ?

Il est très difficile d'obtenir un film de Pedro Almodovar en avant-première parce qu'en général, les avant-premières de ses films passent au festival de Cannes ou dans un cinéma Pathé. Le cinéma Le Zola a été l'un des premiers cinémas à diffuser des films de Pedro Almodovar et a donc permis au public de le découvrir.  Almodovar a en effet commencé sous l'étiquette "art et essai" puis a connu le succès et est à présent prisé par les grandes sociétés de production. C'est pourquoi aujourd'hui, une avant-première de ce réalisateur est devenue quasiment inaccessible pour un festival comme les Reflets. Nous avons donc fait la demande très tôt pour avoir ce film en avant-première pour la soirée d'ouverture. Les amants passagers représente un film mineur et différent des films qu'a réalisé récemment Almodovar et la société de production Pathé distribution voulait sûrement voir la réaction du public face à ce film plutôt à part. Le film étant interdit aux moins de douze ans, cela semble promettre des dialogues truculents.

Avez-vous eu un coup de cœur sur un film espagnol en particulier ?

J'ai eu un coup de cœur en particulier pour le film De tu ventana a la mía qui sera diffusé le dimanche 17 mars à 19 heures et le mercredi 20 mars à 14 heures. Il s'agit d'un film inédit d'une réalisatrice espagnole très prometteuse, Paula Ortiz. Cette fiction représente une bonne occasion de la faire connaître. J'ai eu envie de me battre pour ce film parce que je ne sais pas s'il sortira un jour en France. De tu ventana a la mía retrace la trajectoire de trois femmes à des stades différents de leur vie mais qui sont toutes trois confrontées à la douleur, à l'absence et à la perte. C'est un film esthétiquement très beau et qui est de plus très bien interprété. Il est très touchant, sensible. Il nous donne une belle leçon sur comment filmer les femmes. On peut aussi se focaliser sur un documentaire : Barcelona en dos colors qui passe le samedi 16 mars à 19h30 au Toï Toï le Zinc à Villeurbanne. Le réalisateur Alberto Diana, qui est italien, est allé à la rencontre des participants lors des manifestations pour l'indépendance de la Catalogne en 2011 à Barcelone. Ce que j'ai trouvé intéressant c'est de voir les différents points de vue avec notamment un contraste entre les jeunes générations plus affirmées dans leurs propos et les anciens qui font preuve de plus de mesure.

Y a-t-il des nouveautés cette année ?

On a toujours deux sections : panorama qui rassemble les films, et regard qui regroupe les documentaires et courts métrages donc il n'y a pas vraiment de nouveauté en termes de programmation. On pérennise cette année les petits concerts organisés avant 21 heures. Il y a une nouveauté : Les afters dans des salles de concerts de Villeurbanne. Cela permet de renforcer la dimension festive et conviviale. Les spectateurs peuvent ainsi se rencontrer et échanger sur le film qu'ils ont vu.

Comment trouvez-vous les fonds pour financer le festival Reflets du cinéma ibérique et latino-américain ?

Le festival Reflets bénéficie de subventions de la ville de Villeurbanne et de la région Rhône Alpes. Nous essayons de trouver d'autres sources de financement mais la période n'y est pas très propice. Les partenariats privés aident aussi à financer les Reflets. Mais surtout, le festival a une capacité puissante d'auto-financement grâce aux recettes des guichets. Même si les subventions s'arrêtaient, le festival pourrait continuer et c'est cela qui compte pour moi.

Quel genre de public cherche à toucher ce festival ?

Au début des années 80, quand le festival a été créé, il accueillait un public très communautaire puisque sa création émanait d'une volonté des communautés latino-américaines. Maintenant, le public est composé notamment de beaucoup d'étudiants en langues ou en histoire. En tout cas, le public qui se rend au festival est un public avide de découvrir de nouvelles choses et qui fait confiance au cinéma le Zola et aux Reflets pour cela.

Combien de spectateurs espérez-vous attirer ?

Le festival attire entre 11 000 et 13 000 spectateurs selon les éditions. Finalement, cela dépend de critères assez aléatoires comme le temps. La programmation aussi compte mais je pense que cette année la programmation devrait intéresser un public assez large. On pourrait éventuellement monter à 14 000 entrées mais les Reflets se déroule en grande partie au cinéma Le Zola dans une seule salle donc la capacité d'accueil est assez limitée. Nous devons souvent refuser du monde pour les séances de 19 heures ou 21 heures.

Vous devez donc refuser des gens parce que la salle du Zola est trop petite. Vous attendiez-vous à ce succès ? Comment l'expliquez-vous ?

Pour moi, ce succès est dû à l'aspect exclusif de la programmation des Reflets. De plus en plus de films latino-américains et espagnols sortent au cinéma mais pas nécessairement dans de très bonnes conditions. Il est difficile pour de tels films de se faire remarquer par le public. Les films au festival sont des films qu'on ne passe pas dans les autres cinémas. Le festival présente ainsi de nombreux films en avant-première. De plus, les Reflets ont une grande qualité de réception et ce qui plait aussi aux gens, c'est la convivialité. Il y a vraiment un rapport familial avec les spectateurs. Ainsi, on a tenté d'ouvrir d'autres salles et on s'est aperçu que le public affectionne particulièrement Le Zola.

Ce festival existe maintenant depuis de nombreuses années et vous êtes l'organisateur depuis 17 ans. Quels sont vos meilleurs souvenirs ?

Je garde de chaque édition des Reflets un bon souvenir.  Je me souviens de certains moments forts comme lorsque l'on a passé le film argentin Garage Olimpo qui évoque la torture et certaines personnes dans la salle qui avaient connu la torture ont dû sortir car l'émotion était trop forte. Un des moments marquants a aussi été la diffusion des premiers films du réalisateur espagnol Alejandro Amenábar. Il y avait tellement de monde pour les séances de ses films que les organisateurs ont dû improviser des séances à minuit. J'ai aussi beaucoup apprécié la rencontre avec le grand réalisateur espagnol Fernando Trueba qui fait preuve d'une grande humilité et qui a la gentillesse de nous faire partager son savoir. Il revient d'ailleurs cette année pour la troisième fois à l'occasion de la diffusion de son film L'artiste et son modèle.

Quelle est la spécificité de votre festival par rapport à d'autres très grands festivals de cinéma comme par exemple le festival Lumière à Lyon ?

Les Reflets existent depuis 29 ans tandis que le festival Lumière par exemple n'existe que depuis 4 ans. Ces grands festivals ont bien sûr plus de moyens, une large programmation, et aussi une plus grande capacité de réception. Mais les Reflets c'est plutôt un festival à échelle humaine. Les spectateurs savent qui fait le festival. Lors des séances, ils rencontrent les organisateurs. Ce festival est finalement plus familial et convivial.

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