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Impressions du 25ème Festival du cinéma espagnol de Nantes

20 Mars 2015 | 31 Mars 2015
Retour sur le palmarès de la 25ème édition du festival du cinéma espagnol de Nantes et sur quelques films en compétition.
Pacol Leon reçoit le prix Jules Vernes pour son film Carmina y amen / © Photographies de Jorge Fuembuena
Dépaysement total encore une fois pour la ville de Nantes qui s’est faite l’ambassadrice du cinéma espagnol pendant une quinzaine de jours, sous une météo qui, elle, n’avait rien d’ibérique. La volonté d’offrir un large panorama de la production espagnole est l’un des atouts du festival, et cette année 2015 ne fait pas exception à la règle. Les films en sélection officielle étaient suffisamment éclectiques sur le papier pour susciter la curiosité de nombreux spectateurs. Les festivaliers ont d’ailleurs répondu en masse lors de cette édition.

Le palmarès reflète la variété et la richesse artistique du cinéma espagnol actuel. Le film aux 10 Goya – La isla mínima de Alberto Rodríguez – n’a finalement pas été choisi par le Jury Jules Verne, comme beaucoup l’auraient sans doute imaginé. Le Jury présidé par la réalisatrice, scénariste et ancienne Ministre de la Culture espagnole, Ángeles González-Sinde, a fait le choix de Carmina y amén de Paco León, « pour son originalité, son audace, sa liberté formelle et pour la puissance des actrices et des acteurs ». Quant au film d’Alberto Rodríguez, il remporte le Prix du Public, signe que ce thriller presque métaphysique n’a pas fini de voir sa renommée grandir. De par son ambiance poisseuse (les marécages et villages désolés d’Andalousie) et son traitement de la relation entre les deux policiers, La isla mínima évoque forcément la série américaine True Detective. Superbe réussite formelle, le film vaut également pour son portrait juste, à la limite de l’abstraction, de l’incommunicabilité des Espagnols lors des premières années post-franquisme.

Le Prix du Jury Jeune, composé de cinq cinéphiles de 18 à 25 ans, a pour sa part choisi de récompenser La niña de fuego (Magical girl), de Carlos Vermut. Film au rythme lent, ponctué de dialogues entre personnages qui ne se connaissent pas mais qui vont tous essayer de tirer la situation à leur avantage, La niña de fuego ne laisse en tout cas personne indifférent, par la radicalité qu’il propose à certains moments clés. Comme le note à juste titre le Jury Jeune, « nous sommes tous ressortis un peu soufflés après ce cocktail bien dosé de mystère, de cynisme et de tragédie ». Le film met en effet le spectateur dans une situation inconfortable, l’implique moralement et émotionnellement. Ce qui, forcément, aboutit à des jugements différents sur le film…

Mikel Rueda, avec son premier film A escondidas, remporte le Prix Opera Prima, décerné par sept journalistes de médias partenaires du festival. A escondidas, ou l’évocation tout en finesse de cette période trouble qu’est l’adolescence. Situé à Bilbao, ce premier film se concentre aussi sur un sujet d’actualité – l’immigration maghrébine en Espagne – dont le réalisateur s’empare pour faire un parallèle original avec « l’âge ingrat ». Que ce soit le corps adolescent, en attente entre deux périodes de la vie, ou le corps de l’immigré pris entre deux cultures, en attente, lui, d’un avenir meilleur, A escondidas propose indéniablement un regard mature. Ce qui est caché, secret, comme le suggère le titre du film, ce sont non seulement les immigrés en Espagne, mais aussi l’homosexualité des deux personnages principaux qui va les éloigner de leur entourage respectif. Malgré une fin très convenue et une musique qui parfois ne colle pas avec les scènes, A escondidas est une œuvre réussie qui donne l’occasion de voir Álex Angulo dans l’un de ses derniers rôles, avant son décès en juillet dernier.

Les films de cette compétition Opera Prima nous confirment qu’il faudra à l’avenir compter sur ces jeunes réalisateurs, non seulement pour les sujets qu’ils abordent, mais aussi pour les évidentes qualités de mise en scène visibles à l’écran, et leur direction d’acteurs particulièrement réussie. Sobre la marxa (El inventor de la selva), de Jordi Morató, se distinguait des autres films puisqu’il brouille les frontières entre la fiction et la réalité. Suivant le parcours de Josep Pijiula alias Garrell, un homme qui a consacré son temps à construire des cabanes et des labyrinthes en matériaux naturels dans une forêt, le film passe du documentaire à la reconstitution fictionnelle, en remontant même les images filmées par Garrell avec une caméra de l’époque. Une intéressante réflexion sur l’image, sur l’art brut mais aussi sur les conséquences de la modernité et du progrès sur la nature.

Côté documentaire, ReMine, el último movimiento obrero, de Marcos M. Merino, a fortement touché le jury par l’émotion et l’engagement social qui s’en dégagent. Reflet d’une Espagne en crise, le documentaire brille par son approche respectueuse des mineurs asturiens qui défendent leurs droits et leur dignité.

En dehors des films sélectionnés, le festival proposait une riche programmation mettant en lumière le patrimoine du cinéma espagnol, de Luis García Berlanga à Luis Buñuel, en passant par Carlos Saura qui a gratifié le festival de sa présence pendant trois jours.

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