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A Perfect Day : l’humour comme antidote

16 Mai 2015
CANNES 2015. Fernando León de Aranoa signe une tragi-comédie : les 24 heures d'un groupe de personnes en zone de guerre, entrecoupées de moments de rigolade nécessaires pour mitiger l'horreur.
A perfect day
Le seul réalisateur espagnol présent avec un long métrage au 68e Festival de Cannes est heureux : son septième film de fiction est présenté sur la Croisette dans une section remplie de mythes et de prestige. Il le fait avec un film choral, au titre ironique, qui semble sortir tout droit d'une autre époque, deux décennies en arrière. En effet, A Perfect Day  nous fait revivre les derniers jours de la guerre des Balkans dans les années 1990. Là-bas, des membres d'une mission humanitaire tentent de remplir leur mission : celle d'aujourd'hui consiste à extraire un cadavre d'un puits. Ils ont 24 heures pour y parvenir. Passé ce délai, l'eau deviendrait impropre à la consommation et la population locale en serait privée.

Fernando León de Aranoa nous présente ses protagonistes : le meneur se nomme Mambrú (incarné par Benicio del Toro), c'est un véritable mercenaire, un dur qui a eu des aventures sentimentales avec des collègues mais semble enfin décidé à s'assagir. Vient ensuite l'Américain B (Tim Robbins), un solide cowboy qui vit au milieu de la guerre, amateur de rock n'roll agressif qu'il n'épargne ni à ses collègues ni aux spectateurs avec la sono de sa voiture. On trouve également deux jeunes femmes : une Française, nouvelle arrivante qui n'est donc pas habituée aux émotions fortes (Mélanie Thierry) ainsi qu'une Russe (Olga Kurylenko), qui dispose d'une plastique de mannequin et a eu dans le passé une aventure avec Mambrú. Le local Damir (Fedja Stukan) leur servira d'interprète auprès des Bosniaques et sera également le témoin stoïque des manœuvres – pas toujours logiques – de ce groupe de personnes qui devra faire face au délire, à la déshumanisation et à la folie de la guerre.

Comme dans Les Lundis au soleil, Familia ou Barrio, le cinéaste madrilène continue à aborder de grands thèmes à partir des détails des relations entre les membres d'un groupe : des microcosmes qu'il se plaît à disséquer avec des dialogues caustiques, ingénieux et drôles. Le problème est que dans ce cas-là, l'humour paraît forcé et les situations que vivent les protagonistes ne sont pas assez attrayantes pour séduire le public actuel. En s'inspirant du roman Dejarse llover, de Paula Farias, Aranoa a ajouté au scénario de nouveaux rôles et plus d'action, mais malgré cela, l'atmosphère du film s'avère surannée, vaine et fade, défaut que ne parviennent pas à combler les acteurs de renom de sa troupe.

Ce que le réalisateur réussit en revanche avec ce titre, c'est de démontrer que la violence échappe à tout bon sens et à toute cohérence. À tel point que, face à ce malheur déstabilisant, seul reste l'humour, cette bouée de sauvetage libératrice, révolutionnaire et cathartique : ce même humour qu'utilisent les travailleurs humanitaires qu'Aranoa lui-même a côtoyés lors de tournages de documentaires, des êtres humains qui – comme l'oncologue ou le croque-mort – ont besoin d'une blague pour prendre leurs distances avec la douleur ; c'est pour eux la seule manière de survivre dans un endroit miné par les horreurs de la guerre et ainsi, de pouvoir continuer à faire leur travail.

A Perfect Day a été produit par Reposado Producciones et Mediapro, avec la collaboration de TVE, Canal+, TV3, Telecable et Orange. Westend Films en assure les ventes internationales.

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