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Tesis : vous aimerez avoir peur !

Sortie en DVD le 25 Juin 2014

À l'occasion de sa réédition en DVD et Blu-Ray programmée le 25 juin, Tesis, d'Alejandro Amenábar, se voit éclairé d'un jour nouveau par le bonus « La mort à portée de main » au cours duquel le réalisateur revient, vingt ans après, sur son premier film. Âgé de seulement 23 ans lors de ce premier opus, il avait alors récolté 5 Goya dont ceux du meilleur nouveau réalisateur, du meilleur son et de la révélation masculine pour Fele Martínez

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Tesis
Le film et son chef d'orchestre

Si vous êtes un inconditionnel du cinéma espagnol depuis plus de vingt ans, vous avez certainement suivi Alejandro Amenábar dès son premier film Tesis. Mais si, comme une grande majorité, vous n'avez découvert ce réalisateur qu'à la sortie de son troisième film, Les Autres, succès international s'il en est, vous gagnerez à être curieux et pourrez ainsi frémir de peur et de plaisir devant ce thriller dont le nouveau master restauré en HD sera à la vente ce 25 juin. Cette version se voit, de plus, agrémentée d'une présentation critique et pleine de tendresse de la part du réalisateur, plus mûr, plus posé mais tout aussi exigeant quant à son premier film.

Etudiante en communication, Ángela fait une thèse sur la violence audiovisuelle. Lors de ses travaux de recherche, elle découvre un réseau de snuff movies (1) et va mener son enquête aidée de Chema, lui aussi étudiant et passionné de films gore. L'univers de la Faculté madrilène de Sciences de l'Information devient alors le cadre angoissant de ce thriller haletant qui questionne en filigrane les limites du montrable : « Jusqu'où peut-on filmer ? »

Un triangle de personnages et des acteurs prometteurs

Très vite, le ton est donné par le choix de l'actrice qui incarne Ángela. L'héroïne aux grands yeux fascinée par les images violentes et morbides n'est autre qu'Ana Torrent. L'extraordinaire petite fille de Cría Cuervos (Carlos Saura) et L'Esprit de la Ruche (Víctor Erice) est devenue une jeune femme au regard toujours aussi absorbant. Autour d'elle, deux jeunes gens, suspects/amants potentiels chacun à son tour, l'inquiètent et l'attirent. Chema (Fele Martínez), complice de son enquête mais quelque peu marginal, préfigure le personnage que l'on qualifierait aujourd'hui de geek ou freak. Bosco (Eduardo Noriega), son opposé, est un jeune homme séduisant mais tout aussi énigmatique. Ce film tourné par un réalisateur encore étudiant a donc aussi lancé la carrière de ces deux acteurs, qui ont par la suite tourné avec les plus grands, Pedro Almodóvar (La mauvaise éducation) et Julio Medem (Les Amants du Cercle Polaire) pour Fele Martínez, Guillermo del Toro (L'Echine du Diable) et plus récemment Cesc Gay (Les Hommes : de quoi parlent-ils ?) en ce qui concerne Eduardo Noriega.

Décor et B.O., les points forts de l'angoisse

Les murs glauques de l'Université, ses interminables couloirs gris bordés de tuyauteries rouges écrasantes, construisent l'angoissant décor du film et érigent un labyrinthe vertigineux dont Ángela tente désespérément de s'extraire. La course-poursuite qui s'y déroule établit une relation chasseur/proie qui contribue à pousser la tension à son maximum et est véritablement épuisante, tant le stress de ces portes qui se referment inexorablement et de ces couloirs répétés à l'infini emprisonnent Ángela et ne lui offrent que des illusions d'échappatoire. Alejandro Amenábar avait d'ailleurs à l'époque clairement revendiqué l'hommage à Shining de Kubrick, ainsi que son admiration pour Hitchcock.

La BO enfin, composée par le réalisateur, génial touche-à-tout, brille par sa présence (ou son absence) et enveloppe le spectateur dans une véritable toile d'araignée terrifique. Soutenue par un montage rapide où les plans courts se succèdent à une cadence savamment dosée, elle imprime un rythme intense qui ne vous laissera en paix qu'à la dernière scène. Cette tension extrême dans laquelle est plongé le spectateur ne s'apaise en effet que pour mieux dénoncer le « choix désastreux des images montrées par les medias espagnols ». Toujours d'actualité par son propos – on ne peut que déplorer la piètre qualité de nos medias télévisés qui ont poursuivi leur dégradation jusque dans le racolage du téléspectateur par des images toujours plus abjectes –, Tesis est néanmoins extrêmement ancré dans son époque. L'apparition à l'écran des disquettes, walkmans et cabines téléphoniques peut faire naître un sourire nostalgique et permet aussi de mesurer la puissance exponentielle du développement technologique de ces vingt dernières années, tout en détendant quelque peu l'atmosphère. Tout comme Almodóvar contextualise ses films par le choix des costumes (le tailleur à épaulettes de Victoria Abril dans Talons Aiguilles en est un morceau de choix), Amenábar, volontairement ou non, a imprégné son film des technologies 90's qui lui donnent, vingt ans après, une nouvelle saveur.

Tous les éléments de ce thriller concourent donc à créer tension et fascination. Cependant, les effets faciles sont totalement évités et on ne voit qu'un minimum d'images violentes malgré le sujet du film. L'ambiance angoissante qui vous tiendra en haleine du début à la fin y est créée par une maîtrise des codes du genre extraordinaire de la part d'un réalisateur encore étudiant et, à l'époque, à peine âgé de 23 ans.

Vous l'aurez compris, l'intérêt de Tesis réside non seulement dans le suspens et les émotions fortes que le film fait naître, mais aussi dans le jeu que le réalisateur instaure avec le spectateur, sa maîtrise des règles et des références cinématographiques multiples et variées. Enfin, le bond émouvant dans les années 90 est aussi l'une des raisons qui rendent ce film attachant, plaisant à revoir et incontournable dans une vidéothèque...

Tesis, à voir et à revoir !

(1) Les snuff movies sont des films qui montrent la mort d'une personne filmée en direct et qui s'accompagne souvent d'actes de barbarie (viols, tortures...).

Vidéo


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