Portraits
Meritxell Colell Aparicio
Le sujet et le processus créatif
Mónica, choréographe –dans la vie comme dans le film- travaille depuis des années à Buenos Aires lorsqu'elle apprend que son père est au plus mal ; elle va rejoindre sa terre natale et décider d'accompagner le deuil de sa mère pendant six mois.Tourné dans la province de Burgos entre l'automne et le printemps, dans un petit hameau de six habitants, à Villamartín de Villadiego, le village de ses grands-parents, le film retrace le parcours du retour aux origines de Mónica. Un film féminin, certes, où les relations et la terre, la maison et la mère reprennent leur place dans la vie, le cœur et le parcours de l'artiste. Qui réapprend le pouvoir du vent...
Le film est la résultante d'un long processus de gestation (le film a vraiment pris forme en 2014) et surtout des sensations et émotions des personnages qui ont vécu eux-mêmes dans le hameau, au milieu des habitants. Les images sont donc réelles, le film tient du documentaire en partie. Mais cette cohabitation qui les a fait partager ces espaces ensemble ont produit une authenticité et une vérité sans fard. Les actrices n'ont pas eu connaissance du scénario, pourtant écrit et détaillé, elles ont d'abord partagé la vie et les relations et donc les sentiments des personnages. Elles ont créé une mémoire familiale, ensemble ; au fil de leur vécu partagé.
Autobiographique seulement en partie
Même si la réalisatrice -monteuse de formation, elle a participé à 7 long-métrages- née à Barcelone en 1983, voulait faire d'abord le portrait de sa mère et de son village, le film est donc le vécu émotionnel des actrices comme le sien. Par la danse, qui débute et clôt le film, Mónica exprime toutes les transformations qu'elle vit. Les paysages, ce vent, la font rester auprès de sa mère. Le vent est moteur du film, d'abord hostile puis stimulant. Le corps de la danseuse, ses mouvements, vont exprimer ce que les lèvres ne peuvent dire, mais aussi les regards, les absences de regards, les dos ; de nombreux plans de dos, les nuques, les cheveux, les profils, dans l'ombre, à demi-éclairés : un corps fragmenté. Par les moments partagés, les tâches comme les jeux de cartes, les relations se dénouent, se forgent entre les deux sœurs, la nièce, la mère, avec pour toile de fond la maison et son environnement : les montagnes, les champs, le froid, le vent, la terre.
Mónica García, elle-même danseuse d'origine asturienne travaillant à Buenos Aires, et Concha Canal, la mère, sont étonnantes et magnifiques, mais aussi la nièce, Elena Martín (réalisatrice de Julia Ist et amie de Meritxell) d'une vérité simple, évidente.
Un film féminin ?
Il en résulte un film d'une poésie indéniable, avec un charme simple et authentique, plein de sensibilité, un travail au plus proche des corps et des émotions, des relations mère-fille.
Les points communs avec d'autres réalisatrices comme Carla Simón (Verano 93) sont importants, c'est sans doute une sensibilité commune, un art commun de mettre en relief les émotions tues. Ce qui les lie, à part l'amitié et les projets communs ? Sans doute, selon Meritxell, cette habitude féminine de douter, mais aussi cette volonté de créer une communauté pour donner forme à leur art, de partager.
La projection devant le public de passionnés nantais permet de donner plus de visibilité, et on attendra avec impatience son second film, tourné cette fois en Argentine, mais encore avec la danse et le paysage comme protagonistes.
Une réalisatrice à suivre !
Françoise-Claire Buffé-Moreno
2018: Con el viento (Face au vent)
2014: Arquitecturas en silencio
2008: Remembering Buenos Aires
2006: manuscrit a la ciutat
2005: Barcelona-París-Barcelona
Entretien mené par Les Rédacteurs de Cinespagne.com de Carla Simón à l'occasion de l'avant-première nationale de Eté 93 (Estiu 1993) le vendredi 16 juin à 21h30 au Festival Dífferent!10 à Paris. Lire la suite