Dossiers

Espace réel et espace rêvé dans les films de Fernando Léon de Aranoa

Claude Murcia est professeure à l'université Paris Diderot où elle est responsabe de la mention "Etudes cinématographiques" du Master Lettres, Langues et Sciences Humaines. Elle a co-dirigé une publication sur le Cinéma espagnol des années 90 dans laquelle elle propose une étude sur le cinéma de Fernando León de Aranoa à partir d'une analyse comparée de Barrio et de Familia.
Fernando Leon de Aranoa
Le cinéma de Fernando León de Aranoa – qui a aujourd'hui à son actif deux longs métrages, Familia (1995) et Barrio (1998) –, se distingue d'emblée par la sobriété d'une mise en scène intimiste et le refus résolu d'« effets ». Le naturalisme de l'interprétation, étonnant de « vérité », sa constante justesse de ton, contribuent largement, dans les deux films, à créer l'impression d'authenticité qui s'en dégage. Pourtant, au-delà de ce parti-pris éthique et esthétique, ou en-deçà, ce sont deux démarches apparemment antithétiques qui ont présidé à la conception des deux fictions. Mon propos est ici de tenter de découvrir ce qui fonde la cohérence morpho-sémantique de deux films qui appréhendent le réel de façon si différente ou, dit autrement, les manifestations filmiques qui informent un discours singulier sur le monde.

Dans Familia, Santiago, cinquante-six ans, a embauché une compagnie d'acteurs pour la célébration de son anniversaire. Le film montre le simulacre du rituel, entièrement réglé par l'intéressé, simulacre dont le spectateur ne prend conscience qu'au bout de dix minutes de projection. Barrio, quant à lui, s'attache à trois adolescents inséparables qui déambulent dans leur quartier de HLM et de terrains vagues, trimballant leurs problèmes familiaux – conflits parentaux, monde étriqué et répressif, absence de mère, drogue... – et rêvant de filles et de plages tropicales. L'un d'entre eux se fera tuer en essayant de voler une voiture... (1).

CINÉMA FICTIONNEL / CINÉMA « DU RÉEL »

L'opposition, certes, est discutable, mais elle n'a pour but que de radicaliser à des fins de clarté pédagogique les deux tendances antithétiques que manifestent les deux films de Fernando León de Aranoa. Car ce sont tous deux des fictions ; mais alors que Familia joue à fond le jeu de l'invention et du « fictif », se plaçant dès l'ouverture sous le signe de la représentation, Barrio révèle un rapport au réel fondé sur la proximité et la ressemblance, empruntant même certaines techniques de filmage au documentaire ou au reportage.

Les génériques

Le générique de Familia s'inscrit sur une succession de portraits photographiques liés par des fondus enchaînés ou des mouvements de caméra et qui assurent de façon théâtrale une présentation fragmentaire de la famille jusqu'à la photo d'ensemble qui la réunit, condensant ainsi le parcours de la narration à venir. Outre la réflexivité d'un tel incipit, qui renvoie d'emblée un mode de représentation – le film annoncé – à un autre mode de représentation – la photographie –, c'est la confusion entre acteurs et personnages – celle-là même qui assurera la dynamique narrative – qui est ici mise en évidence. De surcroît, la claire allusion au générique du film de Carlos Saura Ana y los lobos, constitué comme celui-ci de photos de famille, ajoute un degré de fictionnalisation supplémentaire en convoquant dans la mémoire cinéphilique des spectateurs une autre fiction très « théâtralisée », célèbre pour un grand nombre, et qui sert d'écran – c'est le cas de le dire – par rapport au réel (2).
Le thème musical – jazz tzigane – qui ponctue le défilement des photos renforce l'effet-fiction par sa référence à un type de musique connu (« style » Stéphane Grappelli), par son statut extradiégétique (et qui le restera), et par son rythme entraînant et son ton enjoué qui semblent inviter le spectateur à pénétrer dans un espace ludique. En somme, le générique de Familia construit avec le réel un rapport pour le moins lointain, les signes qu'il déploie n'ayant aucun contact immédiat avec un référent « réel ». Cette fictionnalisation du référent – photo, théâtralité, primat du personnage, musique, allusion citationnelle – annonce l'entrée dans un « monde possible », fortement élaboré et dont le rapport au réel sera probablement à chercher à un autre niveau qu'à celui de l'illusion référentielle.

Il en va tout autrement du générique de Barrio. Ce qui s'impose tout d'abord c'est la suprématie des lieux, peuplés uniquement de figurants (les personnages n'apparaîtront qu'après le générique). Une succession de plans rapides montre un quartier périphérique d'une grande ville, qui se révèlera très vite être Madrid (panneaux indicateurs de la M 40, périphérique madrilène). La fiction s'ancre donc dès les premières images dans des lieux existants dont la forte prégnance crée l'illusion référentielle. « Dès lors – je cite ici André Gardies (3) – en tant que signes, ces images affirment leur double statut : iconiques, en ce qu'elles me permettent de reconnaître [Madrid] (principe de ressemblance), indices, en ce qu'elles sont la trace chimico-optique d'une réalité existant par ailleurs. Et c'est là probablement ce qui caractérise le mieux le régime documentaire : les sons et les images entretiennent un rapport fondamentalement indiciel avec leur référent ». Certes Barrio est un film de fiction. Mais son statut s'imposera juste après le générique, avec l'apparition des trois personnages, des « sujets » qui investissent l'espace, instaurant de ce fait le régime fictionnel (4). Pour l'heure, les plans successifs renvoient à un « état du monde » – grands blocs d'habitation sinistres, espaces peu hospitaliers, population de quartier populaire, mouvements divers, chien agressif, barbelés, voiture de police etc. – qui tient davantage d'un regard documentarisant que d'un regard fictionnalisant. Regard renforcé par un filmage en caméra à l'épaule censé restituer avec naturalité la vie du quartier urbain : au lieu d'être ressentie comme extérieure, la caméra semble en effet être dans le lieu, menacée, fragile. Brièveté des plans, mouvements d'appareil abrupts, recadrages, changements de focale vont dans le même sens, tout en marquant une énonciation qui affiche ainsi une subjectivité réceptive au spectacle de la rue, attentive aux sollicitations multiples qu'elle lui offre. L'organisation aléatoire des plans semble mimer la vie elle-même dans sa spontanéité et son imprévisibilité. La musique – un mélange de rock et de rap hispano-gitan accordé à la population jeune des cités – se diégétise rapidement : il s'agit en fait d'un groupe de musiciens gitans qui joue au pied d'un immeuble du quartier. Ancrée dans l'espace visible, elle perd du même coup son pouvoir fictionnalisant. L'authenticité du phénomène rapproche en outre le fragment du reportage. Le générique de Barrio est donc dominé par un regard d'observateur-témoin, néanmoins très présent par l'esthétique de vidéoclip à laquelle renvoie ce préambule dans son ensemble.

Les deux génériques s'appuient, on le voit, sur deux rapports différents au réel : l'un, celui de Familia, programme clairement une fiction, placée explicitement sous le signe de la représentation ; l'autre, celui de Barrio, revendique un ancrage dans le réel, un regard qui s'annonce sociologique. Les titres des films sont à cet égard significatifs. Semblables par la sécheresse informative du substantif, ils divergent cependant sur un point essentiel, celui du protagonisme suggéré : le premier promet la vedette à un groupe humain (tendance fictionnalisante), l'autre affirme l'antériorité des lieux sur le sujet (tendance documentarisante).

Descriptif / réflexif, ouvert/fermé

En accord avec cette approche « réaliste », Barrio attribue au descriptif une place de choix. Si l'on reprend la classification de Christian Metz (5), le générique répond à la définition du syntagme descriptif, caractérisé par un rapport de coexistence spatiale entre les images, « unique cas où les consécutions écraniques ne correspondent à aucune consécution diégétique ». Il en résulte une déflation de la temporalité, jointe à une « sanction paradigmatique » – concept qu'André Gardies (6) reprend de Barthes pour l'appliquer au récit filmique. En d'autres termes, la lecture, loin de se tourner vers le devenir de la fiction, est tout entière absorbée par l'actualité de son déroulement. Au cours du générique de Barrio, le spectateur construit en effet, à partir des données audio-visuelles et de son savoir encyclopédique personnel, un monde qui ressemble à un monde déjà connu : celui des cités péri-urbaines. Cette activité d'interprétation et de construction, fondée sur les « indices », se déroule dans le présent de la projection et échappe à la tension syntagmatique (que va-t-il se passer ensuite ?). Le regard est « centré », « posé », « cognitif » (7).

Il est vrai que, dès que la narration s'enclenche (apparition des trois personnages), le descriptif cède du terrain devant le narratif, mais sans pour autant jamais s'effacer. Nombreuses sont les séquences où l'attention du spectateur est tout entière dans le présent, subordonnée aux déambulations des trois garçons, à leurs dialogues souvent truculents, à leur façon de se mouvoir et de parler, sans souci d'événements à venir. C'est le cas, entre autres, de la très belle séquence de la M 40, où les trois adolescents assis sur le pont surplombant le périphérique, accrochés aux barreaux de la rambarde, choisissent leur modèle de voiture : « el próximo rojo que sale es el mío... (8) ». Ou encore de celle où ils s'attardent un soir autour d'une décharge. Le hors-champ est alors « désactivé » au profit du champ, ce qui, selon A. Gardies, caractérise le régime descriptif (9). A l'opposé, au moment où Rai tente de voler une voiture, c'est de toute évidence le régime narratif qui prend le pas, le hors-champ devenant soudain « cet espace d'où à tout instant un événement peut surgir » (10). Il surgit en effet, dans la personne du policier propriétaire de la voiture qui tire sur le garçon pour empêcher sa fuite.

Faiblement narrative, construite sur une temporalité peu vectorisée, la fiction de Barrio, beaucoup plus qu'à une histoire, s'attache à restituer un mode de vie, un rapport de l'homme à l'espace. Sa construction témoigne de cette démarche. Le film met bout à bout un certain nombre de séquences rappelant les fameuses « tranches de vie » réalistes, sans qu'aucun principe de causalité ne les articule pour autant entre elles, générant ainsi une structure proche de celle de l'errance, gouvernée pour l'essentiel par l'aléatoire et l'arbitraire. Dans Barrio, la fragmentarité et la discontinuité reflètent la temporalité vide et non orientée dans laquelle vivent les trois personnages en ce mois d'août madrilène.

Inversement, la forte fictionnalité de Familia se lit notamment dans la clôture de sa construction et dans le fait que, contrairement à Barrio, le récit ne soit pas sans cesse tendu vers le monde de référence. A l'espace apparemment ouvert de Barrio s'oppose ici l'espace clos de l'espace scénique. La première image après le générique le montre assez : une porte close et un mur d'enceinte isolent le lieu où va se dérouler la fiction. Bien plus que ses propriétés géographiques et sociales, c'est sa clôture qui importe ici. Lieu unique et clos, donc, propice à la représentation théâtrale dont va nous gratifier la fiction. La temporalité, celle tout à la fois du rituel et du spectacle, diégétiquement concentrée sur une journée, est une temporalité suspendue, autarcique, où les seuls événements qui semblent venir d'un espace exogène (d'ailleurs toujours hors-champ) – l'arrivée du « frère » et celle de l'automobiliste dont un pneu a crevé – appartiennent en fait au même espace scénique dans la mesure où ils correspondent à des entrées d'acteurs. Le monde extérieur, l'« ailleurs » construit par l'espace visualisé, c'est-à-dire l'espace normalisé du quotidien des acteurs, de la non-fiction à l'intérieur de la fiction, est toujours hors-champ, même s'il joue avec le champ par une série d'interférences. J'y reviendrai. De l'espace « hors-rite » de Santiago, personne ne saura jamais rien. Reste donc, délié du réel, comme une bulle flottant au-dessus des contingences, l'espace fermé de la représentation.

La structure narrative est elle-même fortement théâtralisée. A l'espace et à la temporalité fermés répond une macrostructure en boucle suivant l'ordonnancement du spectacle : préparatifs, spectacle, fin du spectacle. A l'intérieur de cet espace théâtral, figuré par la maison de Santiago, s'introduit un clivage subtil sur lequel repose la dynamique fictionnelle. L'espace de la maison, indépendamment de ses composantes internes ou externes (les différentes pièces, le jardin) représente alternativement la scène ou les coulisses, la présence ou l'absence de Santiago l'actualisant dans l'une ou l'autre de ces fonctions. Il suffit en effet qu'il apparaisse dans le champ (la cuisine, par exemple) pour que celui-ci devienne soudain espace scénique. Son départ retransforme la scène en coulisses, libérant provisoirement les acteurs des contraintes de la représentation. Du coup, la tension – le plus souvent absente de Barrio – est ici le moteur de la fiction : en l'absence de Santiago, elle s'instaure entre champ et hors-champ, celui-ci étant réactivé et senti comme une menace ; en sa présence, elle se concentre dans le champ et s'installe entre Santiago et ses partenaires.

Familia, contrairement à Barrio, apparaît comme un film à la fois fortement fictionnel et fortement réflexif. Il présente en effet plusieurs strates de représentation. La première est liée au rituel d'anniversaire, qui constitue le motif central et le prétexte de la fiction. Le rituel pratiqué ici suppose une mise en scène bien réglée, articulée sur un certain nombre de codes communs à la plupart des pays occidentaux. La deuxième correspond à la représentation de la première représentation (ce sont des acteurs qui « jouent » le rituel d'anniversaire). A l'intérieur de cet emboîtement réflexif – c'est là qu'intervient l'originalité du film, et sa finesse –, intervient un troisième niveau de représentation, ambigu celui-ci, lié au rôle de Santiago, grand ordonnateur diégétique. Comme le rappelle l'un des acteurs, Santiago n'est pas censé « jouer ». Ou plutôt il est censé incarner le personnage défini par le contrat, sa véritable personnalité restant dans l'ombre. Contrairement aux acteurs dont le film nous montre la double identité (privée/professionnelle), Santiago, dans la fiction (sauf à la toute fin), ne laisse apparaître que son personnage d'« acteur ». Or, manifestement, il prend un malin plaisir, tout au long de la représentation, à le « déborder », à enfreindre les règles du contrat, jouant ainsi double jeu. Si bien que ses partenaires (et le spectateur avec eux) finissent par ne plus savoir à quoi s'en tenir. L'exemple des rapports qu'il impose à Carmen est éloquent. Celle-ci, qui joue le rôle de sa femme dans la représentation, est « dans la vie » la femme de Ventura, qui incarne son frère. Fort de cette parenté simulée, il l'entraîne dans des rapports physiques « conjugaux » en supprimant tout clivage spatial. Avec un machiavélisme plein d'humour, il exploite sans concession son pouvoir de transformer tout espace en espace scénique. Carmen, payée pour « être » sa femme, et déconcertée tant par la roublardise de Santiago que par la complaisance professionnelle de son vrai mari, hésite à rompre son contrat et finit par coucher avec lui... Subtilité diabolique aussi, celle qui lui fait dire à son faux fils aîné à propos de sa fausse fille en mêlant les deux niveaux : « A veces me mira de una manera, como si no me conociera de nada »(11). Il sait pourtant, quand cela lui convient, rompre l'illusion de la représentation, pour protester contre le choix d'un fils à lunettes, trop gros à son goût et incapable de simuler les larmes.

Cette ambiguïté entre réel et fiction contamine jusqu'aux acteurs. Il en est ainsi lors du dialogue intime que Santiago impose, cette fois, à Luna, sa fille supposée. Les questions embarrassantes qu'il lui pose sur sa vie sexuelle mettent la jeune fille si mal à l'aise qu'on ne sait plus si son exaspération est feinte ou sincère, ou plutôt à partir de quel moment la simulation cède la place à la vérité des sentiments. La même Luna n'hésite pas à jouer à son tour de l'ambiguïté entre les deux mondes quand elle se déshabille devant son soi-disant frère : « entre hermanos hay confianza, ¿ no ? » (12). La frontière entre réel et fiction devient poreuse, le théâtre, renouant avec sa vieille vocation, sert de révélateur, le mensonge dévoile la vérité. C'est ainsi que la jalousie souterraine de Carmen à l'égard du faux couple que forment Ventura et sa soeur explose en « coulisses » devant la quasi certitude que le faux couple en dissimule un vrai... Soupçons qui demeureront d'ailleurs non vérifiés, tout comme la relation que Santiago avoue avoir eue avec sa « belle-soeur » dans la voiture (« me la acabo de follar en el coche » (13) à un Ventura stupéfait et que l'attitude de sa femme « de théâtre » ne sortira jamais de sa perplexité. La « scène » de jalousie que fait Carmen à Santiago à la fin du film, sur sa demande, est elle aussi extrêmement ambiguë...

D'une façon générale, Santiago joue de son pouvoir absolu pour tester ses acteurs en introduisant des pièges dans les dialogues qui mettent la représentation en péril : invention de données nouvelles (son frère n'aime pas le champagne, un certain Benítez veut parler à Carmen par téléphone...), vérification des éléments mémorisés, précision de dates et de lieux, etc. De la même façon, l'intrusion, inopinée pour les acteurs et savamment réglée par Santiago, d'Alicia dans l'espace de la représentation ajoute à un épisode déjà très théâtralisé un degré supplémentaire de théâtralité.

Pour résumer, on peut distinguer quatre niveaux, qui supposent une surenchère progressive dans la théâtralité. Le premier niveau est constitué par le « réel », toujours hors-champ, des acteurs (qui apparaît sous forme d'allusions) et de Santiago (qui apparaît sous forme d'hypothèses formulées par les acteurs). Le deuxième niveau est celui du rituel social de l'anniversaire, qui sert de référent modélique au simulacre montré dans le film. Le troisième est précisément celui du simulacre, qui repose sur un contrat entre Santiago et les acteurs. Quant au quatrième, il concerne le double jeu de Santiago, hors-contrat, à l'insu des acteurs, et apparaît, soitcomme une improvisation retorse en cours de jeu, soit comme un imprévu habilement calculé. A ce degré fort élévé de réflexivité et aux effets de brouillage qui en résultent s'oppose, on l'a vu, la descriptivité « réaliste » et lisible de Barrio. Les deux démarches étant liées au savoir spectatoriel (14) spécifique que chaque film construit par son discours.

Le savoir spectatoriel

Barrio, fidèle à cette volonté revendiquée de réalisme sociologique, joue peu avec le savoir du spectateur. Selon les catégories définies par A. Gardies, le système énonciatif de Barrio repose la plupart du temps sur une monstration externe (non médiatisée) à énonciation plus ou moins marquée. Enonciation « marquée » par exemple dans ce plan des trois garçons surplombant le périphérique derrière le garde-fou, en filmage de trois-quarts face serré, ce qui suppose que la caméra est placée en un lieu insolite, peu naturel. Ou à la jonction du générique et du démarrage du récit, où l'énonciation s'exhibe dans le contraste entre les deux plans contigus (tempo rapide/statisme, mobilité/fixité de la caméra, présence/absence de la musique, absence/présence de protagonistes...). Ou bien dans le passage d'un espace intérieur (appartement de Javi) à un autre espace intérieur (appartement de Rai) par le biais du journal télévisé que regardent les deux familles (Almodóvar avait utilisé ce procédé dans Femmes au bord de la crise de nerfs). Ou encore dans le montage discontinu et le parti-pris de fragmentarité et d'organisation apparemment aléatoire. Enonciation non marquée en revanche lorsque la caméra suit le périple de Manu livrant sa pizza à pied et en bus, la « motivation contextuelle » (description « ambulatoire », dirait Philippe Hamon) estompant les marques énonciatives. A d'autres moments, l'énonciation est médiatisée par le regard de l'un des personnages. Il s'agit des moments où le régime narratif domine sans conteste : regard de Manu sur son père quand celui-ci, sans voir son fils, descend du bus; regard de Manu sur son frère aîné tombé dans la drogue; regard de Javi sur l'automobiliste inconnu qui parle avec Rai; regard du policier sur Rai en train de voler sa voiture... La médiatisation naturalise l'image par le jeu de l'identification. Le plus souvent, cependant, la fiction est mise à distance à la fois par l'extériorité du regard et l'intrusion d'une subjectivité auctoriale.

Parallèlement, la narration, ne cachant pas grand-chose, joue peu avec le savoir spectatoriel. Pas de péripéties romanesques, pas de rebondissements imprévus; rien que les menus événements du quotidien – même les conflits ne sont pas dramatisés – et l'écoulement d'un temps répétitif et non orienté qui ne crée pas d'attente particulière. Les seuls points énigmatiques de la fiction – ce grand frère absent de Manu, l'activité suspecte de Rai – sont révélés au spectateur par la médiation d'un personnage et de façon progressive : regard de Javi sur l'automobiliste qui parle avec Rai, puis question sur son identité, les deux préparant le regard que Javi pose sur Rai au moment où le policier sort de la poche du garçon un sachet de coke; hasard de la rencontre dans le bus, puis quête du fils dans l'autre cas. Ces événements, qui portent cependant en eux une virtualité tragique (déchéance du frère, mort de Rai), sont traités sans emphase, échappant ainsi au processus de dramatisation conventionnel. L'émotion, présente mais tenue à distance, laisse un espace à la réflexion. En même temps, ces mêmes événements apparaissent comme inhérents à l'espace du « barrio » dans lequel ils se produisent. Le spectateur engrange ainsi peu à peu un savoir cognitif sur ce monde possible qui ressemble tant à ce que peut être le nôtre, sans pour autant se sentir manipulé par des procédés mélodramatiques qui étoufferaient ici la liberté d'esprit sous une émotion facile.

Les rapports que Familia construit avec le savoir spectatoriel sont tout autres. Ludique, le film joue avec ce savoir, notamment aux endroits stratégiques du début et de la fin. Le récit s'ouvre sur les préparatifs de l'anniversaire, le leurre reposant sur la similitude, voire l'identité, entre rite familial et simulacre du rite familial. La coïncidence est sans faille, ou presque. Car quelques signes jettent un léger trouble – qu'une lecture rétrospective viendra éclairer – dans l'esprit du spectateur, qui est pour l'instant dans l'ignorance du jeu : le fils aîné lit un texte qu'il tente de mémoriser ; les cadeaux sont particulièrement mal choisis ; la femme casse une tasse dont elle s'efforce de dissimuler les morceaux. Mais les interprétations qui légitiment de tels faits ne manquent pas. Le spectateur vit dans un savoir illusoire pendant dix longues minutes. C'est Santiago lui-même qui rompra l'illusion par son mouvement de colère, mettant ainsi le spectateur dans la complicité du jeu. L'énonciation « marquée » du début (choix de duper le spectateur) fonctionne en fait, jusqu'à la rupture d'illusion, comme une énonciation « masquée ». A partir de là, le savoir spectatoriel équivaut au savoir des acteurs, par lesquels est médiatisée la fiction. Leurs conversations hors-représentation apportent au spectateur un certain nombre d'informations quant à leur vie privée et professionnelle, qui permettent à celui-ci de mesurer les enjeux du spectacle et d'apprécier le double jeu de Santiago. En revanche, l'énigme de Santiago, qui ne parle qu'en présence des acteurs, n'est jamais levée. Les motivations de son initiative insolite restent dans l'ombre, les frontières entre le jeu et le non-jeu très incertaines, interdisant au spectateur d'avoir la maîtrise totale de l'espace fictionnel.

Dans la dernière partie du film (entrée d'Alicia), l'énonciation se joue à nouveau du spectateur, comme au début du film, en laissant planer le doute sur la « réalité » de la mort de la mère et, surtout, en lui laissant penser qu'Alicia appartient au monde « réel » et non pas à l'espace de la représentation. Mais, cette fois, tout le monde est dupe, le spectateur et tous les acteurs (y compris Alicia). Santiago, à l'image du cinéaste, apparaît comme le metteur en scène tout-puissant, le démiurge, le créateur du monde. Il semblerait alors que le principe de cohérence qui unit les deux films – si tant est qu'on puisse le définir à partir de deux premiers longs métrages – soit à chercher du côté d'un regard distancié sur le réel, regard dont la lucidité critique met en évidence la structure clivée de consciences qui ne peuvent vivre que dans la coexistence de deux espaces, l'un réel, l'autre rêvé, à vertus compensatoires et lénifiantes. Les manifestations filmiques d'une telle dichotomie se trouvent dans l'émergence, plus ou moins récurrente, d'une dimension imaginaire – mythique, rituelle, fantasmatique – destinée à suturer les déchirures causées par la solitude et la frustration vécues dans l'espace donné comme réel.

FONCTION SOCIO-ANTHROPOLOGIQUE DE L'ESPACE « RÊVÉ »

Si les titres des deux films évoquent l'un un espace social (le quartier), l'autre un groupe humain (la famille), il est clair que l'autre rejoint l'un dans la mesure où le groupe renvoie à une micro-cellule sociale organisée que l'on peut donc également considérer comme un espace social dans lequel l'individu doit composer avec le système de relations et de conduites qui régit le groupe. De la même façon que l'espace du quartier et les valeurs qu'il véhicule entre en interaction avec l'individu qui l'investit.

Barrio choisit l'adolescence comme protagoniste, cet entre-deux inconfortable où l'on ne sait trop que faire de son corps ni de sa vie. Le problème devient plus aigu si l'on habite une zone péri-urbaine de grandes constructions sinistres et que l'on en est réduit à traîner sa misère de terrain vague en terrain vague et à rêver devant les annonces de voyages estivaux. Les difficultés de communication et/ou les carences affectives que les trois garçons, chacun de façon différente, éprouvent dans leur famille – car ici aussi on parle de famille –, s'ajoutent à la frustration sexuelle inhérente à leur âge et aux carences économiques qui leur interdisent d'échapper à la fois à l'ennui sordide du quartier et au soleil madrilène de l'été. Ainsi, l'espace, qui dans un premier temps apparaissait ouvert, se referme insidieusement sur les personnages : le quartier devient le lieu même de leur enfermement (dont le plan des trois garçons agrippés aux barreaux au-dessus de l'autoroute est emblématique), aucune évasion vers d'autres horizons n'étant possible.

Le simulacre de famille unie et heureuse qu'offre Familia suppose, quelles que soient les circonstances et les motivations qui ont présidé à sa conception, un manque fondamental – celui d'une « vraie » famille » –, que vient ponctuellement combler le spectacle-leurre. Que Santiago soit un homme profondément seul, qu'il ait subi une perte irrémédiable, qu'il soit à moitié fou, assassin, pervers ou simplement excentrique (toutes les hypothèses sont envisagées par les acteurs), ce qui se dessine en creux d'une telle initiative, c'est encore la solitude et la frustation. Par ailleurs, la famille idéale mise en scène par Santiago fait apparaître, comme dans un palimpseste, la famille « réelle », qui surgit dans les interstices de la représentation, au moment où le tissu troué du spectacle laisse affleurer le « réel » de la fiction interférences révélatrices de conflits larvés (Carmen/Ventura), de problèmes d'identité (Luna et son rapport à la sexualité, au père), de pulsions peu glorieuses (la grand-mère qui vole un ouvre-bouteille en argent). Le discours de commande d'Alicia confirmera le caractère exceptionnel (et pour cause) de la famille inventée par Santiago (« Igual me confundo, pero pareceis muy felices, así es como se os ve desde afuera » (15). Ainsi, l'image idéale se fissure et laisse voir, comme en « sous-impression », des représentations beaucoup moins euphoriques, dans lesquelles la famille apparaît disloquée ou en voie de l'être, minée par des conflits et des problèmes de toutes sortes contre quoi les individus s'efforcent de lutter. Avec succès parfois, car cette représentation plutôt dysphorique de la famille échappe à l'outrance et à la caricature et sait préserver la présence de l'amour et de la générosité. Tout comme dans Barrio, où la tendresse d'un père (celui de Manu) ou l'affection d'un petit-fils (Javi) ont aussi leur place, à côté de la couleur plutôt terne de la famille de Rai et de la répressivité obtuse et intermittente des parents de Javi. Mais ici non plus, aucune complaisance dans le sordide familial et le catastrophique.

En bref, qu'elle procède de la petite-bourgeoisie ou des milieux populaires, la famille apparaît, en plein ou en creux, selon des modalités différentes, comme un système complexe source, pour l'individu, de conflits, de solitude et de frustrations, parfois aussi de compréhension et de tendresse. Dans les deux films, solitude et frustration trouvent une compensation dans une activité mythologisante, ritualisante et fantasmatique qui permet à l'individu tout à la fois de restaurer partiellement un tissu social dont il se sent trop souvent exclu et d'exprimer ses peurs et ses désirs.

Ce qui gouverne l'étonnante mise en scène de Familia, c'est à l'évidence le mythe de la famille harmonieuse, micro-société idéale où chacun tient son rôle dans le respect d'une hiérarchie ressentie comme naturelle, les pulsions individuelles s'effaçant devant les priorités du groupe. Pour confirmer cette mythologie, si enracinée dans nos sociétés modernes, l'homme a besoin de rites qui viennent régulièrement souder la communauté en en masquant provisoirement les failles. C'est la fonction du rituel d'anniversaire qui, comme tous les rites profanes, « se légitime moins par une finalité consciente comme celle d'obtenir un avantage, que par l'enchantement que produit son rythme, sa symbolique et son effectuation dans un cadre social qui en a élaboré les séquences, les codes et les obligations. » (16) C'est bien ce qui se passe dans le film, la cérémonie obéissant à des règles fixées à l'avance (ici doublement, et par la convention sociale et par Santiago le grand ordonnateur) : préparatifs (choix et emballage des cadeaux, choix des vêtements – Luna jouant la spontanéité avec ses jeans troués –, choix de l'ordre des séquences, construction du « cercle familial ») ; effectuation du rituel (prémisses d'une « normalité » préparant la surprise, souhaits et embrassades, remise puis déballage des cadeaux, remerciements, champagne, gâteau et chant consacré, récit de souvenirs de famille...). Puis, prolongement de la fête par un autre rituel, très contemporain celui-ci, propre aux classes moyennes : le barbecue et sa convivialité affichée.

Cependant, face à la structure bien huilée des rites existent des contre-structures qui « menacent les rites de dérégulation, de dérapage, d'improvisations parfois incontrôlables au point que la perturbation et les débordements en hypothèquent les effets attendus » (17). Exemplairement, c'est le cas lorsque, les cadeaux apparaissant en décalage avec les goûts de Santiago, celui-ci, au lieu de feindre la satisfaction et la gratitude, laisse percer son étonnement pour bientôt laisser exploser sa colère devant le choix de la pipe. Contre-structure qui révèle la fragilité du système et son hypocrisie obligée. Le faux fils a d'ailleurs peu avant, dans l'espace de la non-représentation, démasqué avec humour les contradictions du rite et sa rigidité de convention en s'étonnant que l'on offre les cadeaux le jour de l'anniversaire alors même que l'on veut faire une « surprise »... Ce moment hautement symbolique de l'harmonie familiale, qu'a choisi Santiago, constitue pour lui – et c'est ce qui lui confère une dimension pathétique – la réalisation d'un fantasme qui consacre les pouvoirs de l'imaginaire et leur revanche sur le réel.

Dans Barrio, nous retrouvons, sous d'autres formes, des conduites analogues. Un des mythes qui obsèdent les conversations des trois adolescents (surtout de Rai) et induit leurs comportements est celui de la performance sexuelle liée à la réussite sociale et économique, exact envers de leur présent : consommer des filles – des noires si possible, plus douées en érotisme – sur des plages tropicales. De là l'accumulation – par le vol s'il le faut – des couvercles de yaourts qui promettent un voyage au gagnant, ou la danse de Rai enlacé à une annonce publicitaire figurant une métis aux contours engageants que lui dispute Manu. Dans cette dernière séquence, l'espèce de terrain vague qu'occupent les trois amis, « non lieu » par excellence (18), se transforme en lieu anthropologique (19) par leur volonté d'appropriation et l'investissement symbolique qu'ils y apportent, prouvant par là combien l'individu a besoin pour vivre de créer des liens signifiants avec son espace.

Le mythe du « copain », celui dont on ne se sépare pas, dont on est toujours flanqué comme on est flanqué d esoi-même, exprime quant à lui cette recherche d'une fraternité et d'une communion dont les trois personnages sont plus ou moins privés au sein de leur famille, et conjure la menace de la solitude. Et puis, là aussi, il y a le rite d'anniversaire, version pauvre, dans lequel le père de Manu continue d'intégrer le frère aîné tombé dans une toxicomanie irrémédiable en lui inventant une vie « réussie » et des attentions fraternelles, pour donner l'illusion au cadet que malgré l'absence de mère leur famille est une vraie famille... Lorsque Manu découvre la véritable situation de son aîné, il choisit de prolonger l'illusion parce qu'il a compris que le simulacre de famille confirmée par le rituel était ce qui préservait l'équilibre précaire de la vie psychique de son père.

En somme, dans les deux films, le jeu ritualisé, la simulation et le fantasme, autant dire l'imaginaire, un imaginaire orienté par une mythologie aussi largement partagée que tenace, est ce qui permet aux personnages de vivre. Santiago et les trois adolescents sont déchirés entre un « ici » dysphorique et un « ailleurs » rêvé. D'un film à l'autre, la différence réside dans la nature de l'espace représenté. Dans Barrio, l'espace représenté, le « champ », c'est l'ici d'une existence frustrante et conflictuelle. L'espace fantasmé demeure hors-champ, dessiné en creux, évoqué seulement dans le discours des personnages ou, ponctuellement, par la transfiguration dérisoire du terrain vague. Dans Familia, au contraire, le champ est investi par l'ailleurs, espace fantasmé du bonheur familial, l'ici d'une vie de solitude appartenant au hors-champ.

Mise à distance

Il est temps de revenir au regard distancié dont je parlais plus haut et qui assure une certaine unité de ton aux deux films, avers et envers d'une même réalité. Qu'elle soit ancrée dans le réel ou qu'elle joue le jeu de l'imaginaire, la fiction est toujours mise à distance par l'énonciation : aucune complaisance pour des situations qui pourraient aisément tourner au (mélo)drame ou à la tragédie, aucun jugement de type moral sur les personnages. Tout semble se dérouler sous l'oeil impassible de l'instance auctoriale. Impassibilité garante de la liberté du spectateur. D'ailleurs, le « réalisme » de Barrio trouve également ses limites dans deux composantes qui le rapprochent de Familia : l'étrangeté et l'humour. L'étrangeté de Familia recouvre la totalité du film, dans la mesure où elle procède de l'idée même sur laquelle se construit la fiction : un homme paie des acteurs pour qu'ils jouent sa propre famille célébrant son anniversaire. Rien de tel dans Barrio, dont les situations, nous l'avons vu, ressemblent tristement à celles de notre monde de référence.

Il y a pourtant, au centre du récit, cette étrange séquence de la station-fantôme (20), inattendue, qui révèle un univers onirique donné comme réel. L'énonciation, ici fortement marquée, souligne l'emprise considérable que les espaces fantasmés – vécus comme réels – peuvent avoir sur les esprits adolescents. Autre cas d'étrangeté, celui du dénouement en boucle de Barrio, qui reprend certains plans d'une des séquences du film – les trois garçons regardant le spectacle gitan –, sans qu'aucun traitement particulier ne les fasse basculer explicitement dans une autre « réalité ». Là encore, la force de la vie mentale et imaginaire est mise en évidence, Rai accompagnant ses copains de sa présence inaltérable. C'est Javi, que l'on a vu réagir avec une violence où explose sa révolte à l'annonce de la mort de son copain, qui paraît le plus touché : un moment absent du réel, il semble se remémorer des instants passés avec l'ami disparu auxquels l'énonciation confère le même poids de réalité que ce qu'il est en train de vivre. Fin rhétorique, également, qui affiche le caractère fictionnel du récit. Fin en tout cas dont l'étrangeté s'ouvre à différentes lectures, contredisant la conception conventionnelle du réalisme.

Etrange et énigmatique, le comportement et la personnalité de Santiago le sont bien sûr aussi, plus profondément encore. L'humour – qui parfois interfère avec l'étrangeté (dans la loufoquerie de Santiago, par exemple) – imprègne les deux films d'une subjectivité discrète. Lié pour l'essentiel, dans Familia, au double jeu de Santiago qui engendre des effets jubilatoires, il est aussi très présent dans Barrio, dans les dialogues savoureux des adolescents, dont le contenu, souvent truculent, contraste plaisamment avec leur inexpressivité constante – excellente direction d'acteurs qui exclut de leur jeu toute emphase et toute théâtralité – ; mais aussi dans la légère exagération cocasse de certaines situations – celle de Manu traversant interminablement ces quartiers inhospitaliers en bus et à pied pour livrer une pizza qui arrive, bien sûr, froide – ; ou encore dans l'ironie sarcastique dont fait preuve le sort (alias l'énonciation) en faisant gagner à Rai un superbe scooter des mers, objet insolite et décalé s'il en est, qui reste amarré au lampadaire de la rue avant d'ête volé.

L'humour, réponse philosophique aux horreurs liées à notre condition sociale et existentielle, est certainement, avec l'étrangeté poétique ou loufoque qui transfigure le réel sordide, l'un des facteurs de cohésion et d'unité d'une oeuvre qui a déjà su explorer à sa façon singulière la diversité du réel.

Notes
1. Barrio s'inscrit en cela dans la lignée des films espagnols traitant de la marginalité, depuis Deprisa, deprisa (1980), de Carlos Saura, jusqu'à 27 horas (1986), de Montxo Armendariz, en passant par des films d'Alex de la Iglesia tels que El Pico (1983) et El Pico 2 (1984).
2. Dans la même perspective et plus loin dans le récit, le plan des jambes impatientes de Carmen faisant les cent pas reprend le plan des jambes de Pepa dans Femmes au bord de la crise de nerfs, d'Almodóvar, confirmant la volonté fictionnalisante et réflexive du film.
3. A. Gardies, L'Espace au cinéma, Klincksieck, « Méridiens », 1993, p. 133.
4. Ibid., p. 135.
5. C. Metz, Essais sur la signification au cinéma, t. 1, Klincksieck, 1975, p. 129.
6. Voir Décrire à l'écran, Klincksieck, « Méridiens », 1999, p. 66 et sqq.
7. Ibid., p. 70.
8. « La prochaine rouge c'est la mienne ».
9. Ibid., p. 60.
10. Ibid., p. 62.
11. « Des fois elle me regarde comme si elle ne m'avait jamais vu ».
12. « Entre frère et soeur on ne se gêne pas, non ? ».
13. « Je viens de la baiser dans la voiture ».
14. J'emprunte la notion à A. Gardies, L'espace au cinéma, op. cit.
15. « Je me trompe peut-être, mais vous avez l'air très heureux, c'est comme ça qu'on vous voit de l'extérieur ».
16. « Structure et contre-structure dans les rites profanes », Cl. Rivière, dans Mythes, rites, symboles dans la société contemporaine, Laboratoire de recherche et d'Etudes en Sciences Sociales, CNRS – ENS Cachan, 1996, p. 56.
17. Ibid., p. 57.
18. Pour M. Augé, le non lieu est un « espace où ni l'identité, ni la relation, ni l'histoire ne sont symbolisées », Pour une anthropologie des mondes contemporains, Flammarion, « Champs », 1997, p. 156.
19. Le lieu anthropologique « symbolise le rapport de chacun de ses occupants à lui-même, aux autres occupants et à leur histoire commune », ibid.
20. Pendant la Guerre Civile certaines stations du métro madrilène (comme Opera), fermées au public, étaient transformées en dépôts d'armes républicains. Le métro ne s'y arrêtant pas mais y passant, des légendes ont pu naître à propos de ces « stations-fantômes ».


À lire aussi
Princesas
Films | Princesas
Princesas est l'histoire d'une rencontre, celle de deux mondes qui cohabitent dans les rues de Madrid. Deux mondes réunis par le commerce des corps et désunis par la concurrence. Les putes du Nord vivent mal les tarifs dérisoires appliqués par les Africaines et les Latinas. Des « tarifs junkie », disent-elles en toisant leurs sœurs de... Lire la suite

Fernando León de Aranoa
Portraits | Fernando León de Aranoa
Diplômé de la Complutense de Madrid en Sciences de l'Image, rien ne destine a priori Aranoa à développer une thématique sociale : il fait ses premiers pas à la télévision, via le jeu télévisé Un, dos, tres... responda otra vez ou les sketchs du duo comique Martes y Trece. C'est également la télévision qui va lui permettre de se... Lire la suite

Amador
Films | Amador
Marcela est une jeune Péruvienne qui a la vie devant elle. Pourtant, rien n'est simple dans cette nouvelle vie qu'elle est allée chercher en Espagne. Son couple bat de l'aile, mais Marcela a décidé de ne pas quitter son mari parce qu'elle attend un « heureux événement »... Lorsque le réfrigérateur de la maison, qui permet au couple de... Lire la suite