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Invité du festival CineHorizontes de Marseille pour son rôle dans Ayer no termina nunca aux côtés de Candela Peña, Javier Cámara a donné aux spectateurs, à l'issue de la projection, quelques clés sur le dernier film d'Isabel Coixet, encore inédit en France.
Ayer no termina nunca, chronique d’une crise qui n’en finit pas
Ayer no termina nunca est un long-métrage cathartique. Isabel Coixet l'a réalisé comme une thérapie pour son amie Cristina, plongée dans une longue dépression suite au décès par overdose de son fils Jaime. Si la réalisatrice catalane a ressenti l'impérieux besoin de faire ce film et de le dédier à Cristina et Jaime, c'est peut-être aussi parce qu'elle s'est sentie étroitement impliquée dans cette tragédie : en effet, c'est elle qui a dû apprendre à Cristina la mort de son fils. Alors que les deux amies se rendaient ensemble en voiture au festival d'Avignon, le téléphone de Cristina a sonné. Celle-ci étant au volant, c'est Isabel qui a décroché et appris la terrible nouvelle. Partie prenante du drame, c'est également elle qui a financé l'intégralité du film.

Produit dans l'urgence et tourné en sept jours au Cimetière de La Igualada, près de Barcelone – une curiosité pour les étudiants architectes –, Ayer no termina nunca est pourtant un film aux dialogues très écrits. Aucune place laissée à l'improvisation ici, tout simplement parce que le scénario est tiré d'une pièce de théâtre, Gif, de la hollandaise Lot Wekemans. Isabel Coixet en a acheté les droits pour ensuite se la réapproprier librement, et comme à son habitude, y insérer nombre de détails tirés de sa propre vie. Une gageure pour les deux acteurs, le film reposant tout entier sur un texte littéraire, souvent poétique, auquel il a fallu donner vie, ce qu'ils ont brillamment réussi : le jury de CineHorizontes leur a décerné les prix du meilleur acteur et de la meilleure actrice. Le fait que Candela Peña ait donné naissance à son enfant la même année qu'elle a perdu son père a également été une source d'inspiration, comme l'a précisé Javier Cámara après la projection.

Un sujet grave pour un tournage intimiste, avec une équipe réduite parfois à une dizaine de personnes présentes sur le plateau. On aurait presque affaire à du théâtre filmé – unité de temps, de lieu et d'action – si ce n'était les flashbacks en teintes chaudes et les pensées des personnages en noir et blanc, qui alternent avec l'action principale, rendue dans une photographie aux couleurs délavées et jaunies ou bleutées et froides. Une esthétique à mettre en rapport avec la situation de l'Espagne en 2017, année où Isabel Coixet a situé le film.

La force de Ayer no termina nunca, c'est justement de placer le drame personnel que vivent les deux personnages dans un contexte collectif glaçant. Un drame qui, sans la crise, leur aurait été épargné. En imaginant un avenir terriblement noir pour l'Espagne, la réalisatrice dénonce la situation actuelle de son pays et pointe subtilement du doigt les conséquences sociales des politiques d'austérité. Un film romantique au sens premier du terme, mais aussi une critique acerbe des restrictions budgétaires du gouvernement espagnol, l'envers humain des chiffres. Javier Cámara a notamment expliqué au public que le déplacement du cimetière est une allusion au projet Eurovegas du milliardaire américain Sheldon Adelson. Cet immense complexe de loisirs, dont la construction au sud de Madrid risque d'entraîner des expropriations, est vu par les politiques comme une solution miracle au chômage. L'acteur a conclu la rencontre avec les spectateurs marseillais par ce commentaire ironique : « En Espagne en ce moment, c'est 'Bienvenido Mister Adelson' ». Un clin d'œil cinéphile plein d'humour pour une bien triste réalité...

Christelle Guignot

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