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A puerta fría : immersion dans l’enfer du commerce

Meilleure interprétation masculine et meilleur scénario à la dix-septième édition du festival Cinespaña de Toulouse, A puerta fría de Xavi Puebla dépeint sans concession la réalité de la vente, dans le huis-clos infernal d'un salon international de produits électroniques.
A puerta fria, Xavi Puebla

C'est une vie entière que Salva, la cinquantaine, a consacrée à l'univers de la vente. Les ficelles pour conclure une transaction, les meilleures techniques commerciales, cet illustre professionnel du porte-à-porte les connaissait toutes. Mais la mondialisation du commerce et l'essor des nouvelles technologies, dont il est devenu l'un des nombreux promoteurs, ont considérablement fait évoluer la pratique, à tel point qu'au moment de rejoindre ses collègues dans un luxueux hôtel sévillan où doit se dérouler un des plus grands salons de l'année, l'énergie vient à lui manquer.

Il faut dire que, dans ce métier où concurrence et opportunisme règnent en maître, le personnage qu'incarne Antonio Dechent joue gros : s'il ne parvient pas à décrocher le contrat de deux cents unités qui lui a été confié par son patron, avec qui il a jadis entretenu des relations privilégiées, c'est un jeune commercial aux dents longues qui le remplacera. Et une place au chômage, Salva n'en veut pas. S'engage alors une course contre la montre oppressante dans un huis-clos fait de gros sous, de bulles de champagne et de télévisions dernier cri, au cours de laquelle le commercial en déclin semble, après quelques remontants, trouver son salut auprès d'un chef d'entreprise américain et d'Inés, une jeune hôtesse d'accueil qui accepte finalement de lui servir de traductrice. Mais à quel prix.

D'un cruel réalisme et d'une grande virtuosité, le troisième long-métrage de Xavi Puebla s'affranchit des clichés et plonge dans le quotidien de ces soldats du commerce, comme le réalisateur aime à les appeler, tout en conduisant une réflexion sur des questions inhérentes à la condition humaine, dont le spectateur ne sort pas indemne. Le tout est servi par des acteurs exceptionnels, à la tête desquels Antonio Dechent, qui signe une performance hors-norme dans la peau de Salva, dont le rôle semble avoir été créé sur mesure pour l'acteur andalou. Silences, gros plans et scènes d'âpres discussions, le comédien se les approprie pour signaler la décrépitude professionnelle et sentimentale du personnage qui s'affirme à mesure que le film avance.

Il contribue ainsi à alimenter une tension dramatique qui éclate dans la scène d'ultime transaction entre le magnat américain, incarné par l'acteur hollywoodien Nick Nolte (Golden Globe du meilleur acteur en 1991 pour Le prince des marées de Barbara Streisand) et Inés, jouée par Maria Valverde. La traductrice et hôtesse d'accueil, dont le rôle vient alimenter de manière décisive le contenu de l'intrigue, constitue l'unique personnage féminin de A puerta fría : elle réunit en elle la fragilité issue d'une histoire que le spectateur découvre progressivement, tout en faisant preuve d'une incroyable détermination pour aider Salva dans la reconquête de son poste de commercial. Un film édifiant en cette période de crise économique.

 

Julie Thoin-Bousquié

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