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Malgré ses 14 nominations et ses 7 récompenses, L'Orphelinat de Juan Antonio Bayona n'a pas été le grand gagnant de cette soirée. C'est La Soledad de Jaime Rosales, film exigeant et émouvant, qui s'est imposé en remportant les deux Goya les plus convoités.
Goya 2008 : La Soledad crée la surprise
Tout semblait joué d'avance lors de cette 22ème cérémonie des Goya récompensant le meilleur du cinéma espagnol. L'Orphelinat (à l'écran le 5 mars en France), fort de ses quatre millions d'entrées et du soutien de Guillermo del Toro (Le labyrinthe de Pan), était l'archi-favori de cette remise des prix. Des outsiders comme Las Trece rosas et Siete mesas de billar francés devaient se partager les restes du gâteau. C'était sans compter sur la présence de La Soledad de Jaime Rosales, qui s'est vu décerné le prix du Meilleur film, du Meilleur réalisateur et du Meilleur acteur révélation pour José Luis Torrijo, raflant la mise en créant une véritable surprise.

Succès critique et échec public

Une surprise car malgré un premier long métrage, Las Horas del día, récompensé à Cannes en 2003 à la Quinzaine des Réalisateurs et la sélection de La Soledad en 2007 dans la section Un Certain regard, le film n'avait pas été médiatisé à sa sortie en juin dernier et n'avait attiré que 41 000 spectateurs. Réédité depuis, il connaît en salles un nouveau regain et devrait vraisemblablement dépasser les 100 000 entrées.

Partisan d'un cinéma radical par sa forme mais accessible du point de vue émotionnel, Jaime Rosales a salué « le courage » de l'Académie des Goya, en espérant que ce soutien puisse faire des émules et attirer un nombre grandissant de spectateurs vers ce genre de films. Le cinéaste compare son travail à celui de José Luis Guerin (En Construcción, En la ciudad de Sylvia...), de Marc Recha (Jours d'Août) ou encore de Javier Rebollo (Lo que sé de Lola), des réalisateurs dont les films ne rencontrent guère les faveurs des médias et le succès public, alors qu'ils reçoivent paradoxalement les louanges de la critique et de nombreuses sélections et récompenses en festival. Pour atténuer cette dichotomie, le réalisateur de La Soledad souligne le rôle essentiel de l'éducation artistique dans l'éveil de la sensibilité et du sens critique. « Les produits sensibles, dit-il, stimulent notre intelligence, les produits grossiers ne font que nous abrutir. »

L'émotion au coeur de La Soledad

La Soledad s'intéresse au destin de deux femmes, Adela et Antonia, dans le Madrid d'aujourd'hui. La première, seule à élever son enfant, sera brisée par un attentat terroriste, tandis que la seconde verra sa famille se déchirer pour une histoire d'argent. Jaime Rosales raconte que le projet est né « d'une émotion diffuse sur la vie, sur le monde qui nous entoure, sur les relations qui nous unissent les uns aux autres. Cette émotion est devenue un besoin de faire un film, de partager avec le spectateur des préoccupations, une certaine angoisse aussi. D'une certaine façon, la mort est au centre de cette angoisse. Nous sommes faits pour souffrir mais aussi pour surmonter la souffrance. Nous sommes des êtres durs et sensibles mais au bout du compte, notre dureté prend le pas sur notre sensibilité. Ce film montre des moments de dureté et des moments de fragilité de la vie des personnages. Finalement, la vie continue son chemin à travers le temps. »

La sortie de ce film en France est prévue pour le mois de juin. Pour les impatients, l'association Espagnolas en Paris, en partenariat avec l'Institut Cervantes, propose une avant-première en présence du réalisateur le lundi 25 février à 20h45 au Majestic Passy de Paris.

Thomas Tertois


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