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Jaime Rosales - La Belle jeunesse

Ni optimiste ni pessimiste, j'ai surtout essayé d'être réaliste 
En 2008, le réalisateur barcelonais recevait deux Goya, l'un du meilleur scénario, l'autre du meilleur réalisateur, pour La soledad, son deuxième film. Six ans après, dans La belle jeunesse, son 5e long métrage, portrait d'une génération perdue, Jaime Rosales n'a rien perdu de son style, ni de son regard âpre sur le monde.
Jaime Rosales, au festival de Cannes, em compagnie des deux acteurs principaux Ingrid García Jonsson, Carlos Rodríguez et Inma Nieto
Pourquoi ce film, La Belle jeunesse ?

Je voulais rendre compte d'une situation de plus en plus grave, en Espagne : les conséquences dramatiques de la crise économique sur la jeune génération, qui est la première victime de la dégradation du marché de l'emploi. Mon film a été tourné après la création du mouvement du 15 M (autre nom du Mouvement des Indignés, née en 2011 sur la Puerta del Sol NDLR) et avant la victoire aux élections du courant politique qui en est né, le parti Podemos. La Belle jeunesse a valeur de témoignage sur une époque, vue à travers le prisme humain. Ce sont les individus, avant tout, qui m'intéressent.

Comment avez-vous nourri le scénario ? Vous êtes partis à la rencontre de nombreux jeunes précaires en Espagne, c'est bien ça ?

Oui j'ai mené un travail de documentation. En me rendant dans des parcs où les jeunes se retrouvent, en allant dans des centres de recherche d'emploi où ils postulent. Tous les rôles secondaires du films, les amis faisant partie de la bande de Carlos et Natalia sont des acteurs amateurs, que j'ai recruté parmi ces jeunes là. Il y a aussi des témoignages que l'on m'a rapportés. Le neveu d'une collègue a par exemple été victime d'une agression comme celle dont est victime Carlos dans le film. Le réalisateur de film porno est également un vrai cinéaste porno, assez connu en Espagne. Il me racontait que l'industrie grandit et que de plus en plus de jeunes y participent pour des raisons financières, comme mes personnages.

Le tableau que vous brossez n'est il pas, quand même, très pessimiste ?

Je ne pense pas. Je n'ai pas à être optimiste ou pessimiste : juste réaliste. Et je crois que mon film l'est. Mais si l'ambiance générale est morose, si une partie de la jeunesse espagnole est désenchantée, elle garde malgré tout, de l'espoir. Des jeunes continuent à se battre à faire des projets. Chacun se débrouille, trouve des solutions, fait jouer la solidarité familiale.

Votre film est-il politique ?

Absolument. Qu'est ce qu'un film politique ? Un film qui dénonce une situation et essaie de montrer que nous sommes tous concernés, afin de provoquer une réflexion. Mais je me garderai bien de prétendre donner des solutions toutes faites Je suis un artiste qui observe. Mon champ de manœuvre est la création. Aux politiciens d'être dans l'action.

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