Interviews

Juan Carlos Medina - Insensibles

Insensibles est l’aboutissement d’une longue démarche de cinéphile 
Avec Insensibles, Juan Carlos Medina signe son premier long-métrage. Avec une ambiance glauque et un esthétisme gore extrêmement soigné, le film a fait sensation lors du festival Cinespaña. Très complexe, l'histoire s'étale sur plus d'une soixantaine d'années : une bonne raison de demander quelques précisions au jeune réalisateur.
Juan Carlos Medina
Pensez-vous qu'à travers le sujet et le traitement à plusieurs niveaux qui en est fait dans le film, vous avez fait un premier long-métrage très ambitieux?

Je ne me suis pas vraiment posé la question de savoir si le sujet est très ambitieux pour un premier film, c'est vraiment un film que j'avais besoin de faire. Je pense qu'il faut avoir de bonnes raisons de se battre pendant huit ans pour faire un film, les difficultés à surmonter sont énormes pour mettre un pied dans le monde du cinéma, que l'on vous fasse confiance avec un long-métrage quand vous n'avez réalisé que des courts... Il faut que le projet soit à la hauteur des efforts et des sacrifices consentis pour le mener à bien. Insensibles est l'aboutissement d'un long cheminement pour moi, mais ça en valait la peine. C'est un film qui m'a permis de raconter une histoire qui me tient vraiment à cœur et de mettre en œuvre bon nombre d'idées de mise en scène. J'ai souhaité que le film vous entraîne dans un univers complexe, dangereux, sombre, flamboyant...

De plus, la réalisation est très technique, la photographie et les plans sont très travaillés, on n'a pas vraiment l'impression d'assister à un premier film, comment expliquez-vous cela?

Insensibles est effectivement mon premier film, mais il est aussi l'aboutissement d'une longue démarche de cinéphile, d'étudiant de cinéma, de réalisateur de courts-métrages... J'ai toujours voulu réaliser des films, j'ai fait mes études de cinéma à Paris et j'ai réalisé mes quatre courts entre la France et l'Espagne. J'ai aussi écrit de nombreux scénarios à part Insensibles. Ces années m'ont donné l'occasion de beaucoup étudier, apprendre et mûrir... Je pense aussi que l'expérience des courts-métrages est très importante, c'est la meilleure école possible pour quelqu'un qui veut réaliser des films.

Justement, en tant que cinéphile, quels sont vos modèles parmi les réalisateurs anciens ou actuels? Pensez-vous que leur influence se ressente dans Insensibles?

Dans les anciens je citerais Carl T. Dreyer, Luis Buñuel, Alfred Hitchcock, John Huston, Sam Peckinpah, Akira Kurosawa, Sergio Leone, Louis Malle, H.G. Clouzot, Marcel Carné, Mikhail Kalatozov, William Friedkin, Elem Klimov. Parmi les plus récents, Verhoeven, Polanski, Ridley Scott, Takeshi Kitano. Je ne sais pas si leur influence se ressent dans le film, mais je pense qu'inconsciemment j'ai dû leur rendre hommage car c'est en voyant leurs films que j'ai voulu consacrer ma vie au cinéma.

Vous n'avez pas peur qu'avec un film orienté "épouvante" impliquant des enfants, avec le franquisme en toile de fond, on vous compare à d'autres réalisateurs hispaniques du moment, comme Guillermo del Toro?

Une comparaison avec del Toro ne me fait pas peur, bien au contraire, je trouve cela plutôt flatteur. Je pense toutefois que del Toro n'a pas initié cette tendance... Ce sont plutôt des gens comme Narciso Ibáñez Serrador ou Víctor Erice, avec des films comme Les révoltés de l'an 2000 ou L'esprit de la ruche.

Je voulais savoir si cet hôpital au milieu des Pyrénées existe réellement. Vous y avez vraiment tourné ou la plupart des scènes ont été faites en studio?

L'hôpital est une pure création, ce qui existe c'est l'étage inférieur d'un fort militaire du XIXème siècle que nous avons "augmenté" en CGI en rajoutant l'étage du dessus et les ravages du temps. Toute la partie intérieure est un décor construit dans les studios de Terrassa, près de Barcelone, car j'avais besoin de construire un décor d'après ma mise en scène et de pouvoir enlever murs, plafonds, sols pour placer la caméra.

Comment s'est passé le travail avec les enfants? Les scènes devaient être éprouvantes pour eux. Avaient-ils déjà été habitués à tourner auparavant?

Les deux enfants protagonistes n'avaient jamais tourné, ça a été leur première expérience. Quand on tourne avec des enfants, il faut savoir qu'ils ne sont aucunement en contact avec la "violence" ou la noirceur qui peut se dégager du film final. A la rigueur, la seule chose éprouvante pour eux ce sont les fatigues habituelles d'un tournage : se lever tôt, le maquillage, attendre des mises en place de plans pendant longtemps... C'est pourquoi les journées des enfants sont limitées à quelques heures ; nous devions adapter le plan de travail à ces contraintes. Bien entendu, les parents ont été de vrais partenaires, ils ont lu le scénario, ils étaient là pendant tout le tournage, etc.

Quels sont vos projets pour la suite? Un autre film en vue? Des collaborations qui se précisent?

J'ai plusieurs projets, un en France avec des producteurs français, et je commence à recevoir des propositions des Etats-Unis et de l'Angleterre...

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