Interviews

Fernando Lara - Directeur de l'ICAA

Il faut penser que notre cinéma fait face, avec des moyens bien inférieurs, au cinéma américain. Etant donné ce contexte, c’est parfois un miracle de voir certains films espagnols trouver un public. 
Fernando Lara est directeur de l'ICAA (Institut du Cinéma et des Arts Audiovisuels) depuis décembre 2004. Son remplacement par Ignasi Guardans, député européen de CiU, vient d'être annoncé il y a quelques jours par le Gouvernement espagnol.
Ancien journaliste et directeur de la Semaine de Cinéma International de Valladolid, Fernando Lara a tenu bon à un poste délicat, malgré une approbation difficile de la Ley del Cine en décembre 2007 et une chute constante de la fréquentation en salles.
Fernando Lara
L'ICAA peut-il être comparé au CNC?

L'ICAA est effectivement l'équivalent espagnol du CNC français. C'est un organisme autonome, doté d'un budget de 110 millions d'euros, qui dépend du Ministère de la Culture. Son objectif est de soutenir le cinéma espagnol par des aides attribuées aux différents secteurs de l'industrie cinématographique : la production, la distribution, l'exploitation. La majeure partie du budget est dédiée au Fondo de Protección, c'est à dire aux aides à la production. L'ICAA soutient également le cinéma espagnol à l'étranger en favorisant sa présence dans plus de 200 festivals de par le monde. La Filmoteca Española, la cinémathèque espagnole, fait aussi partie de l'ICAA. Elle conserve et diffuse notre patrimoine cinématographique, notamment grâce à une salle qu'elle possède à Madrid.

Le bilan 2008 du cinéma en Espagne fait état d'une perte globale de 9 millions de spectateurs et de 1,4 million pour le cinéma espagnol. Quelles sont les raisons de ce recul général de la fréquentation?

Je crois qu'il y a plusieurs facteurs qui expliquent cette baisse, mais la principale des raisons est le téléchargement illégal. Le fait d'avoir accès gratuitement à une grande quantité de films nuit clairement aux salles de cinéma. Concernant le cinéma espagnol, la baisse s'explique aussi par l'absence de grands succès comme celui de L'Orphelinat, qui avait marqué l'année 2007. Néanmoins, cinq films espagnols ont dépassé le million de spectateurs. Il s'agit de Crimes à Oxford, tourné en anglais mais réalisé par une équipe 100% espagnole, de Mortadelo y Filemón misión : salvar la tierra, basé sur une bande-dessinée très populaire en Espagne, et de trois coproductions, Che : l'Argentin, Vicky Cristina Barcelona et Astérix aux Jeux Olympiques. 2009 devrait être une meilleure année avec des sorties potentiellement attractives pour le public. Je pense notamment aux films de Pedro Almodovar, d'Alejandro Amenabar, de Fernando Trueba, d'Isabel Coixet et de Daniel Sanchez-Arévalo.

Vous avez cité les cinq plus grands succès espagnols de 2008, qui comptabilisent à eux seuls 43% des entrées des films espagnols. Quel espace reste-t-il alors pour les 168 autres films produits en 2008? Est-ce que tous trouvent le chemin de la diffusion en salles?

Sur les 173 films produits l'année dernière, 50 sont des documentaires qui ont de réelles difficultés à sortir sur les écrans. Tous les autres films sont diffusés, même si certains ne restent qu'une semaine, voire un week-end en salles. Cela est valable pour les grandes villes, mais l'accès au cinéma espagnol est encore plus réduit dans les villes moyennes et les campagnes. Il faut penser que notre cinéma fait face, avec des moyens bien inférieurs, au cinéma américain. Les films hollywoodiens sont systématiquement doublés et bénéficient de moyens importants de promotion. Etant donné ce contexte, c'est parfois un miracle de voir certains films espagnols trouver un public.

La Ley del Cine, votée par le Parlement en décembre 2007, qui réglemente le secteur de l'industrie cinématographique, entre aujourd'hui en application. Quelles améliorations cette loi apporte-t-elle?

Une des avancées de la Ley del Cine concerne la situation dans le domaine de la production. Elle différencie les producteurs indépendants de ceux liés à des groupes télévisuels ou à des multinationales, et cela a une incidence importante au niveau de l'attribution des aides publiques. Les télévisions avaient appliqué l'obligation qui leur est faite d'investir 5% de leurs revenus dans le cinéma au bénéfice de leurs propres sociétés de production. Ces sociétés étaient en conséquence avantagées par rapport aux autres. La loi prend désormais en compte ce facteur et attribue les aides en fonction de critères qui favorisent les producteurs indépendants.


À lire aussi
Lluis Miñarro - Producteur de films indépendants
Interviews | Lluis Miñarro - Producteur de films indépendants
Comment êtes-vous devenu producteur?Dès les années 60, à l'époque de la dictature, j'ai participé à la fondation de deux ciné-clubs. Nous diffusions dans le sud de la France des films interdits par la censure. Nous organisions en Andorre ou à Amélie-les-Bains des week-ends cinéma où nous projetions des Pasolini, des Buñuel, des... Lire la suite

La part de marché du cinéma espagnol chute à 12,1% en 2010
Actualités | La part de marché du cinéma espagnol chute à 12,1% en 2010
L'ICAA (Institut de la Cinématographie et des Arts Audiovisuels) a publié les chiffres officiels concernant le cinéma espagnol en 2010. Tout décevants qu'ils soient, ces résultats s'avèrent meilleurs que ceux annoncés par d'autres sources non-officielles il y a quelques semaines.Avec 12,9 millions d'entrées, les productions espagnoles ont... Lire la suite

La nouvelle Loi du Cinéma Espagnol rouvre la guerre dans le secteur audiovisuel
Actualités | La nouvelle Loi du Cinéma Espagnol rouvre la guerre dans le secteur audiovisuel
Remise en question de la loi du 5%Le projet de loi propose notamment d'augmenter la part du budget que les chaînes doivent allouer au financement de productions espagnoles et européennes. Celle-ci passerait de 5% à 6%. Une mesure que dénoncent avec force les télévisions commerciales, en attaquant le principe même du financement de la... Lire la suite

Recul du cinéma espagnol en 2006
Actualités | Recul du cinéma espagnol en 2006
La machine hollywoodienne aura en 2006 complètement dominé le marché cinématographique espagnol en cumulant 71% de parts de marché contre 60% en 2005. Un chiffre écrasant qui ne laisse que des miettes aux films espagnols (15%) et européens (11%). Néanmoins, si l'on compare avec l'année 2005, le cinéma espagnol reste à peu près stable... Lire la suite

Approbation de la Ley del cine
Actualités | Approbation de la Ley del cine
Satisfaction des producteurs et réalisateursLe contentement des producteurs et d'un grand nombre de réalisateurs présents lors du vote ne s'est pas fait attendre. Alejandro Amenábar déclarait par exemple: « J'ai fait mon premier film grâce à une loi qui aidait les jeunes réalisateurs et je vais pouvoir maintenant faire de nouveaux films,... Lire la suite

Bilan 2007 du cinéma en Espagne
Actualités | Bilan 2007 du cinéma en Espagne
Une production en augmentation172 longs-métrages sont produits en Espagne en 2007 (22 de plus qu'en 2006). C'est le meilleur résultat enregistré depuis 25 ans, et plus de 100 films sont d'ores et déjà au stade de la post-production pour l'année 2008. La bonne santé du secteur est liée à l'augmentation de la dotation du fonds d'aide à la... Lire la suite

Bilan 2008 du cinéma en Espagne
Actualités | Bilan 2008 du cinéma en Espagne
Une production qui se stabiliseAprès une décennie d'augmentation, le nombre de longs-métrages semble se stabiliser avec cette année 173 films produits, soit un de plus qu'en 2007. Un chiffre qui place l'Espagne au second rang européen après la France (240). Ce dynamisme s'explique par la montée en puissance, depuis quelques années, du... Lire la suite