Interviews

Cristian Magaloni - Ramirez

Ramírez est un Don Juan moderne. 
Rencontre, lors de la 14ème Biennale d'Annecy, avec Cristian Magaloni, acteur de Ramίrez, un film d'Albert Arizza. Tout le film repose sur la performance de ce jeune acteur plein de talent qui, après la projection, m'accorde un échange simple et profond.
Affiche de Ramirez
Merci Cristian et bravo pour le film. Peux-tu revenir sur ta trajectoire afin de mieux te connaître?

Bien sûr! J'ai 27 ans, je suis moitié espagnol et moitié mexicain. J'ai fait beaucoup de théâtre et j'ai d'ailleurs ma propre compagnie, avec laquelle je monte pas mal de classiques. D'ailleurs, j'ai décroché ce rôle grâce à ma performance d'acteur de théâtre puisque le réalisateur, Albert Arizza, m'a proposé le rôle après m'avoir vu sur les planches.

Un mot sur le film?

C'est un film indépendant fait avec peu d'argent mais beaucoup d'envie!

Comment prépare-t-on la construction d'un tel personnage?

Je crois que ce qui est très important, c'est tout d'abord de ne pas juger le personnage. Puis, il faut beaucoup observer autour de soi, les gens, lire des faits divers dans la presse, car c'est finalement une histoire qui fait partie du quotidien, un jeune bourge qui tue des jeunes filles car il s'ennuie et se sent seul. Il a une fragilité due à la maladie de sa mère et agit par pulsion, il aime l'adrénaline que lui procure l'acte de tuer froidement. Et puis, il faut se laisser guider par le personnage, les sensations, se laisser porter...

Il y a un plan très important au début du film. On y voit Sebastián Ramίrez en discothèque et son visage est divisé en deux, une part d'ombre et de lumière. Ce détail est un vrai clin d'œil à l'ambigüité du personnage, non?

Oui, absolument (il sourit). Je crois que nous avons tous une part d'ombre et de lumière, et celle-ci s'exprime plus ou moins en chacun de nous. Sebastián est une personne attachante qui donne un sens à sa vie en assassinant. Il a tout pour être heureux, il est beau, riche, peut avoir toutes les filles qu'il veut, il a une belle voiture, un bel appartement mais il est malheureux et perpètre ces crimes qui lui procurent du plaisir et comblent son manque.

C'est une critique de la jeunesse dorée, pas vrai?

Absolument! Ramίrez, comme d'autres jeunes, a tout et finalement il ne donne pas de sens à sa vie. Comme quoi ce qui compte, c'est davantage ce qu'on a à l'intérieur que cette apparence opulente qui crée le caprice et le vide.

Son mal être est relié à sa mère, malade, fil conducteur du film qu'on ne voit jamais, grande absente mais pourtant omniprésente, car ses actes ont sans arrêt un point de connexion avec elle.

Oui, on voit qu'il n'exprime pas beaucoup de choses par rapport à sa mère, on la sait dans cette maison et plus particulièrement dans cette chambre, il veut aller la voir mais bloque toujours sur cette porte au fond de l'escalier. Il n'arrive pas à aller au-delà, et d'ailleurs sa mère le sent lorsqu'elle demande à la garde-malade, María, si Sebastián est là, car son intuition l'a fait deviner sa présence de l'autre côté de la porte. On peut évidemment comprendre que ses crimes ont un lien direct avec la problématique maternelle, il ne souffre pas ouvertement de sa maladie et déclare même à la jeune María que sa mère mériterait d'aller dans un hôpital psychiatrique. Il dit à la garde-malade qu'il vient la voir mais ce n'est pas vrai, oui, sa mère est l'une des raisons qui justifient ses crimes et son mal être.

Justement, en évoquant Sebastián et María, on a une autre lecture du film et des personnages, la demoiselle lui résiste alors qu'il essaie sans cesse de la draguer, après ils ont un flirt, il est à deux doigts de la supprimer comme les autres mais ne le fait pas. Cela me fait penser à un Don Juan moderne, avec María dans le rôle d'Elvire.

Oui, c'est un Don Juan moderne effectivement, sauf que lui ne brise pas les cœurs mais tue des jeunes femmes, et c'est vrai, sa part d'ombre et de lumière nous renvoie à l'image de Don Juan dans l'art de séduire pour combler ce vide et cette insécurité. María est stable, elle est différente des autres filles et finalement il ne la tue pas. En même temps, c'est celle qui est la plus proche de sa mère, elle lui prépare à manger, s'occupe d'elle, c'est le lien communicatif et presque affectif entre elle et lui. Ramírez est attiré par elle mais sa pulsion de mort est plus forte.

Il y a trois lieux essentiels dans le film: la discothèque, son appart de Madrid et la maison familiale, une grosse demeure froide et vide. Tu peux me dire un mot sur ces trois lieux?

Oui, ces trois lieux se rejoignent et représentent la dualité du personnage. La discothèque est son terrain de chasse, le lieu rêvé pour guetter sa proie, échafauder ses plans. Son appart est le pendant de la discothèque, il y accroche les photos de ses victimes, revient comme un bon sérial killer sur ses "exploits" meurtriers. C'est aussi l'endroit où il se repose entre deux meurtres. Enfin, la maison familiale renvoie à son côté pur, c'est l'enfance, c'est son histoire, là d'où il vient, là où il a besoin de revenir pour se rassurer après ses actes, là où il cache son argent, mais il ne fait que passer, telle une ombre, car sa mère lui pose un problème, l'angoisse.

A la fin du film, Sebastián est pris dans un tourbillon de violence et de crimes, la jeune fille prise en stop qui avant de périr a pu filmer son visage, le dealer qu'il tue par balle dans la rue. Il doit fuir et prendre une nouvelle identité, celle d'une femme. Il est probable qu'il continue à tuer sous ce nouveau visage?

Exactement: sa nouvelle identité, une femme, laisse entendre qu'il va sans doute continuer. Il a pris goût aux rituels, à l'adrénaline du meurtre, à la préparation et à la méticulosité du crime. Il en a besoin et sa fuite sur la route avec cette apparence féminine laisse présager cela car le film se termine sur cette image.


À lire aussi
Biennale 2010 du cinéma espagnol d'Annecy
Actualités | Biennale 2010 du cinéma espagnol d'Annecy
Cette 14ème Biennale est placée sous plusieurs inserts: il s'agit en premier lieu d'un hommage au cinéma musical avec le cycle "Parejas de Baile", une proposition ingénieuse de Miguel Fernández, enseignant-chercheur à la prestigieuse université madrilène Carlos III. Le postulat de cette rétrospective est de nous ramener aux sources du... Lire la suite

Les Dues vides d’Andrés Rabadán, grand prix de la Biennale d'Annecy
Actualités | Les Dues vides d’Andrés Rabadán, grand prix de la Biennale d'Annecy
Remettre des prix n'est jamais facile car il faut faire des choix nous renvoyant à la réalité de la compétition et au fait que le cinéma, en plus d'être un art merveilleux, est aussi une industrie qui renferme des gagnants et des perdants. Cette année, il était particulièrement difficile de se décider et tant le Jury jeune que le Grand... Lire la suite