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Les Dues vides d’Andrés Rabadán, grand prix de la Biennale d'Annecy

La remise des récompenses du festival a eu lieu le samedi 20 mars à 20h30 au théâtre Bonlieu Scène Nationale. S'il y a deux ans l'évènement annécien avait enregistré 15000 entrées, l'objectif de cette année était de faire encore mieux, signe de la bonne santé et de l'intérêt porté au cinéma ibérique. La programmation, variée, audacieuse et au centre des préoccupations de notre temps, a été à la hauteur de cette 14ème biennale.

Affiche du film Les Dues vides d’Andrés Rabadán

Remettre des prix n'est jamais facile car il faut faire des choix nous renvoyant à la réalité de la compétition et au fait que le cinéma, en plus d'être un art merveilleux, est aussi une industrie qui renferme des gagnants et des perdants. Cette année, il était particulièrement difficile de se décider et tant le Jury jeune que le Grand jury ont eu du mal à trancher, sentiment compréhensible et partagé après la projection de ces longs-métrages.

Il était donc question de remettre quatre prix qui furent annoncés dans l'ordre qui suit: Prix du jury jeune (composé d'une équipe de cinq adolescents encadrés par la secrétaire du Jury jeune, Muriel Boget). Leur choix est à l'image de leur personnalité et de leur jeunesse, désignant comme favori le film coup de poing de Santiago A. Zannou, El Truco del manco (La Combine du manchot), un réalisateur dont on entendra encore parler tant son cinéma social est profond et authentique. En témoignent les trois Goya décernés au film en 2009: Meilleur premier film, Meilleure chanson originale, Meilleur acteur révélation (José Manuel Montilla). Cette opera prima raconte l'histoire d'Enrique Heredia, surnommé « Cuajo » par ses potes de la banlieue de Barcelone. A 28 ans, souffrant d'une paralysie partielle au niveau des jambes, du bassin et des bras, il lutte quotidiennement et courageusement dans une cité où règnent junkies, braqueurs, durs et autres alcooliques, et cela grâce à de multiples combines. Le hip hop, sa passion, le maintient en vie en l'accrochant à son rêve, celui de créer son propre studio avec son ami Adolfo, black au grand cœur. Pour ma part, c'est le film sensation du festival.

Le prix Demon, qui permet à un jeune réalisateur d'écrire un scénario de long-métrage en résidence à Annecy, est revenu à la seule comédie de cette Biennale, celle du réalisateur basque Borja Cobeaga pour Pagafantas (littéralement « paie-des-fantas »). Ce verdict récompense un des genres préférés des spectateurs, la comédie, mais une comédie espagnole qui se démarque nettement des autres par sa singularité, son efficacité et la conviction qui habite cette proposition. Déjà victorieux de deux récompenses au Festival de Málaga en 2009 (Prix de la critique et Meilleur premier film), Borja ne laisse décidemment pas indifférent et l'histoire de son film encore moins. Claudia, jeune coiffeuse argentine, considère que l'existence admet deux types d'hommes: ceux qui la font craquer et ceux qui sont faits pour lui offrir à boire. Sa vision dichotomique des garçons est appliquée à Chema, qui sort d'une rupture et qui tombe éperdument amoureux de la jeune femme. Mais voilà, elle pense qu'il est de la deuxième catégorie, bon à lui payer des verres.

Le prix du public s'est arrêté sur Un buen hombre, de Juan Martίnez Moreno. Une histoire sur le bien et le mal, sur la révélation de soi, sur les rouages de la justice et la théorie de la vérité et du mensonge, de l'amitié; ce film très réussi nous tient en haleine et nous offre un dénouement habile. Le jeu des acteurs est mis en exergue par une maîtrise totale de la caméra. Les thèmes de la culpabilité et de la tyrannie sont largement développés pour signer un excellent long-métrage avec le brillant acteur Emilio Gutiérrez Caba, entre autres. Le synopsis est le suivant: Vicente se rend de façon inopinée chez son ami Fernando, qu'il cherche et ne trouve pas. Tout à coup, lorsqu'il s'approche de la baie vitrée qui donne sur le jardin, il découvre son ami en train de tuer sa femme. Cependant, celui-ci ne le voit pas et Vicente, muré dans son silence, décide de garder le terrible secret tandis que commence l'enquête... S'enchaînent alors des évènements qui vont donner naissance à la thématique de la dualité morale des personnages. Saisissant.

Enfin, le Grand Prix de ce Festival revient au film engagé Les Dues vides d'Andrés Rabadán, de Ventura Durall. Le réalisateur, après avoir signé un documentaire sur Andrés Rabadán (El Perdón), met en scène l'histoire de ce jeune homme interné en psychiatrie carcérale pour avoir tué son propre père avec une arbalète. L'arrivée d'une nouvelle psychiatre et son rapprochement avec l'une des infirmières l'amènent à devenir acteur de son destin par un retour introspectif sur son passé lui permettant de comprendre son geste meurtrier. Un beau Grand prix, engagé, qui donne bien sûr l'occasion d'un débat de société sur les crimes, l'univers carcéral et la réhabilitation.

Le Festival d'Annecy nous donne rendez-vous d'ores et déjà en 2012 pour sa 15ème Biennale, avec, pour sûr, son lot de surprises! ¡Viva Annecy!

Esteban Dormoy

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