Films

Les Voyous, un film de Carlos Saura

Les Voyous

Un Film de Carlos Saura
Avec Manolo Zarzo, Jose Luis Marin, Óscar Cruz, Juanjo Losada
Drame | Espagne | 1959 | 1h 18min
Festival de Cannes 1960 (sélection officielle), Prix San Jordi 1962 (meilleure direction artistique)
Sortie en DVD le 20 Août 2013
Une seconde naissance pour Los golfos

54. C'est le nombre d'années qu'il aura fallu attendre pour qu'une version DVD de Los golfos (Les voyous) voie le jour. Le premier long métrage du réalisateur Carlos Saura décrit les bas-fonds miséreux de Madrid en pleine dictature. Un film à redécouvrir ou tout simplement découvrir.

L'histoire

Madrid, 1959, sous la dictature franquiste. Il règne dans la ville une ambiance brumeuse et pesante. Un jeune homme attaque une guichetière du kiosque de la Once et s'empare de la recette du jour.

Ainsi s'ouvre Los golfos, de Carlos Saura. Le ton du film est donné. Sans véritable travail, un groupe d'amis : Julián, Ramón, Juan, Manolo, El Chato y Paco, vivent de menus larcins et errent dans Madrid. Le vol est quotidien, presque normal. Leurs décors : un terrain vague à la périphérie de la ville et les barrios, quartiers populaires. Désœuvré et marginalisé par une société qui les a abandonné, le groupe trouve un peu d'espoir en l'un d'entre eux, Juan, dont le rêve est de devenir torero. Un rêve qui devient commun à tous, tel un passeport pour sortir de la misère, mais qui nécessite de récolter de l'argent. Les mauvais coups se multiplient : du simple chapardage pour revendre des pièces volées, jusqu'à s'en prendre aux gens et les dépouiller. Les risques sont de plus en plus grands et conduisent les voyous à une irrévocable chute. Rien ne se passera comme prévu...

Une mainmise dictatoriale

Dans les années 50, le cinéma espagnol respire le patriotisme : comédies, folklores, films de croisade et religieux. Véritable outil de propagande, le 7ème art est étroitement chapeauté par la censure cléricale et gouvernementale, une censure sans aucun cadre légal et totalement arbitraire. Avec le développement économique des années 60, le cinéma espagnol amorce un nouveau tournant avec des films plus engagés et réalistes. L'Espagne, celle qui souffre, est montrée peu à peu sur les écrans.

Projeté intégralement et applaudi au Festival de Cannes en 1961, Los golfos déplaît au gouvernement franquiste qui en interdit la diffusion. Il faut attendre 1962 pour que le film soit diffusé en Espagne, amputé d'une dizaine de minutes.

Comprendre plutôt que condamner

Décor naturel, immenses espaces urbains, acteurs non-professionnels, personnages marginaux, ambiance de pauvreté et de manque, Los golfos s'inscrit dans une certaine tradition néoréaliste. Carlos Saura souhaite montrer une part de la réalité espagnole de l'époque, renforcée par un montage sec et direct. Il dresse donc le sombre portrait d'une jeunesse défavorisée mais surtout d'une Espagne qui porte encore en elle les stigmates de la guerre civile. À mi-chemin entre une analyse sociologique et une critique acerbe, le film de Saura tente de comprendre plutôt que de condamner. Le réalisateur aborde le problème de la délinquance juvénile, les relations au sein d'un groupe, mais aussi le thème des loisirs... Sans succomber à un discours moralisateur, il critique et dénonce les mauvaises conditions de vie et de travail, mais surtout une société qui n'est pas capable d'offrir un avenir à sa jeunesse. Victime de la dictature, les voyous ne parviennent cependant pas à susciter l'empathie du spectateur.

Dans Los golfos, Saura interroge à une époque charnière la société dans laquelle il vit. À la manière des Caprices du peintre Goya, il porte sur le régime franquiste un regard critique, offrant un témoignage puissant. Bien que son style soit encore tâtonnant, Saura pose déjà son empreinte cinématographique. Avec La caza (1966), Deprisa deprisa (1980) ou bien encore ¡Ay Carmela ! (1990), il reviendra nous parler de la réalité espagnole. Les rares scènes de tauromachie sont des chorégraphies qui anticipent ses films ultérieurs sur le flamenco et le tango.

Los golfos est un film encore trop méconnu, qu'il convient d'ores et déjà de réintroduire dans le patrimoine cinématographique espagnol.

Bonus DVD

Pour approfondir, les bonus nous éclairent sur l'histoire de l'Espagne et de son cinéma par des entretiens sur Carlos Saura, la censure et la genèse du film.

Elise Chevillard



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