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The Impossible, un film de Juan Antonio Bayona

The Impossible

Un Film de Juan Antonio Bayona
Avec Naomi Watts, Ewan McGregor, Tom Holland, Marta Etura, Geraldine Chaplin
Drame | Espagne, Etats-Unis | 2012 | 1h47
Sélection Festival de San Sebastian 2012,  Festival International du Film de Toronto 2012
The impossible : un énième film catastrophe
En attendant le film grand public qui parlera peut-être un jour de Tchernobyl, de la catastrophe de Fukushima ou du tremblement de terre en Haïti, Juan Antonio Bayona s'est attelé au tsunami de 2004 qui a tué des milliers de personnes en Thaïlande.
Il y a 15 ans, James Cameron nous amarrait au naufrage du Titanic ; de ce désastre du prestige maritime contre les parois glacées d'un iceberg anonyme, de ce traumatisme daté de 1912, James Cameron tirait une fiction, Titanic. Celle-ci, alliant une histoire romantique à une force de frappe budgétaire hydrofuge, pistonnait les effets spectaculaires à en faire chavirer le box-office. A défaut de pouvoir ressusciter les morts du Titanic, on a les succès qu'on peut. Malgré cette saillie, je garde un bon souvenir cinématographique du film de Cameron.

Mais parlons de The Impossible, le nouveau film de Juan Antonio Bayona. Des films catastrophe ou dits de genre survival, il en a déjà été réalisé un certain nombre. Certains sont liés à leur auteur par une angoisse tenace propre à enténébrer leur imagination en même temps qu'elle la stimule. D'autres s'inspirent de faits réels. C'est le cas de The Impossible : « true story » nous dit le générique d'ouverture. Réalisé pour partie en Espagne, ainsi qu'en Thaïlande, sur certains lieux où les événements se sont véritablement produits (l'hôtel, l'hôpital), le film a bénéficié de la participation du couple espagnol Alvarez Belon, qui a inspiré cette histoire.

Peu avant Noël, un couple de britanniques et leurs trois jeunes garçons, dont l'aîné a environ 13 ans, arrivent en vacances en Thaïlande dans un hôtel tout confort au service ad hoc. Le paradis. Il s'agit d'une famille unie. Madame (interprétée par Naomi Watts) est médecin. Elle a arrêté de travailler pour s'occuper des enfants. Monsieur (l'acteur Ewan McGregor) a un bon poste et un côté geek. On a le temps d'ouvrir les cadeaux de Noël et de se détendre un peu. Au bord de la piscine, Madame lit un ouvrage de Joseph Conrad (serait-ce Au cœur des Ténèbres ?) tandis que Monsieur joue avec les garçons, lorsque déboule le tsunami, aussi impitoyable qu'imprévisible, disjoignant cette famille et fracassant tout sur son passage.

Bayona parvient à nous faire entrer dans les poumons le peu d'air qui reste à nos personnages. L'irruption brutale de tonnes d'eau et de courants particulièrement teigneux et boueux nous pousse vers les fonderies de l'apnée (130.000 litres d'eau par jour ont été nécessaires pour reproduire la vague géante). Certains spectateurs claustrophobes sont susceptibles de faire un malaise (qu'est-ce que cela aurait été si le film avait été tourné en 3D?) lors de ces quelques minutes très bien réalisées. Pour faire simple, The Impossible aurait pu être plus mal fait.

Mais il aurait aussi pu être mieux. Quel dommage par exemple que le tsunami n'ait pas emporté définitivement ces armadas de violons et de pianos qui servent inévitablement à nous émouvoir. Idem pour ces larmes et ces phrases qui semblent extraites d'un réservoir sans fond où l'on puise chaque fois que l'on veut conférer une certaine gravité à une situation. Quelle ironie aussi que la catastrophe soit ici vue depuis le bord d'une famille occidentale, seule garantie sans doute de donner une valeur symbolique universelle à l'histoire et d'en faire un film qui bénéficiera d'une distribution mondiale. Mais à parler de symbole, il en est au moins un qui, à mon sens, doit rester mémorable. Dans The Impossible, bien des victimes doivent leur survie au fait d'avoir pu grimper à un arbre. Dans notre monde en pleine déforestation programmée, à quoi pourrons-nous nous accrocher lorsqu'il n'y en aura plus?

Il y a au moins trois significations au titre du film : bien sûr, l'impossibilité de concevoir une pareille catastrophe ; la solidarité et l'héroïsme de cette famille mais aussi de celles et ceux qu'elle croise, victimes, Thaïlandais venus porter assistance, ou soignants évidemment. Et puis il y a cette rencontre aussi poétique que courte et impromptue entre l'un des enfants et une vieille dame, victime elle aussi, jouée par Géraldine Chaplin.

En se focalisant principalement sur l'ardeur de cette famille à se retrouver, Bayona réduit son film à une œuvre catastrophe qui se termine bien. D'accord pour les happy end rétrocédés par Walt Disney. Mais son film aurait pu servir, aussi, à une certaine éducation en matière d'écologie quant aux signes avant-coureurs d'une catastrophe tel un tsunami. Faute de l'avoir fait, The Impossible risque d'être un film grand spectacle de plus où le pop-corn sera roi. En outre, après la mise à l'épreuve de nos « héros », après avoir marché avec eux dans le dénuement et la souffrance, au lieu de se clore sur une certaine humilité, le film nous replace dans un luxe occidental quotidien, qui semble alors plutôt cynique, maladroitement sans doute. A nous l'avion pour une seule famille en vol direct pour Singapour ; aux Thaïlandais, ce qui reste de leur pays après le passage du tsunami. Ce retour à la normale est bien l'une de nos tares occidentales, en cela qu'il suffit souvent à nous convaincre que les catastrophes existent toujours ailleurs et nous concernent finalement assez peu. Néanmoins, malgré ses défauts, The Impossible touche.


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