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Candelaria

15 Février 2019
Une comédie dramatique, réalisée par le colombien Jhonny Hendrix Hinestroza (Chocó, 2011, Saudó, laberinto de almas, 2016) avec Véronica Lynn (Candelaria) et Alden Knight (Víctor Hugo, vu dans El otro Cristóbal de Armand Gatti en 1963 en compétition à Cannes) produit par Antorcha Films (fondée par le réalisateur), distribuée en France par Sophie Dulac Distribution. Ce film a remporté le prix du public au festival Cinélatino de Toulouse en 2018 et le Premier Prix des 14èmes Journées des Auteurs dans le cadre de la 74è Mostra de Venise.
affiche
Cuba, après la chute du mur de Berlin, subit un embargo qui la plonge dans une terrible crise économique: la "Période spéciale". Le contexte dramatique, rapidement exposé, et présent en filligrane dans chaque image, laisse la première place à l'amour. Candelaria et Victor Hugo sont des amoureux, à un moment peu montré au cinéma, la vieilllesse. Elle, chanteuse dans un groupe de musiciens pour touristes et employée à la blanchisserie d'un hôtel. Lui, jaloux des musiciens de Candelaria, est ouvrier dans une fabrique de cigares, qu'il vole et revend pour améliorer leur vie de bohême forcée (la vie ordinaire de cubains sous la loi de l'alimentation, sous-alimentés). Le désintérêt pour l'autre semblant être venu avec les tracas quotidiens, accumulés au fil de leurs années de misère, se voit bousculé par une invitée surprise le jour où Candelaria rapporte de son travail une caméra subtilisée malgré elle.

L'intrusion de cette caméra ou plutôt du potentiel érotique qu'elle réveille chez eux, recentrera ce couple sur lui-même. En effet, ils hésiteront même à faire commerce de leur moment d'intimité avec l'étranger El Carpintero (Philipp Hochmair), le receleur de La Havane. Drôle de questionnement pour des personnes âgées ? Mais la nécessité d'une meilleure alimentation est bien plus grande. Victor Hugo le sait et doit malgré tout revendre discrètement quelques cigarres à son ami El Negro (Manuel Viveros) pour ne pas "mourir de nostalgie ou mourir de faim". 

Candelaria, qui propose plusieurs niveaux de lecture, plaira aux romantiques, aux amoureux d'évasion pure, à ceux qui se demandent comment un Colombien a pu tourner un film à Cuba avec un scénario qui ne se cache pas de révéler une réalité sous le régime de Castro, sans oublier le public de Véronica Lynn. L'actrice de La anunciación de Enrique Pineda Barnet porte ce film par un jeu d'une grande sincèrité et dont le personnage saura rendre impatient le spectateur avec des séquences pleines de vérités, de beautés et de poésie. Le réalisateur rythme son film comme un temps en suspens, où la métaphore du cercle rappelle régulièrement le cycle de la vie, et déborde d'émotions baignées d'une luminosité précieuse et ennivrante. La bachata de Celia Cruz "Te busco", une belle lettre d'amour qui raisonne jusqu'au bout du film. L'histoire d'amour est bien plus riche car est lovée dans le coeur et le corps de ses inséparables qui affrontent la mort. Et comme le récite si bien Victor Hugo:

"A veces quiero volar como el viento ,y la juventud cínica e indiferente se me apaga. Los años vienen sollozando con el tiempo y este cuerpo que jugó a ser libre, que creyó en ideas, en amores y de sueños imposibles se apegó para reír, hoy luce cansado, postrado, inmóvil, casi inerte. En medio de una sociedad que me aplaudió, me empujó, que me burló y en soledades me dejo ir. Tal vez es mejor así, el alma también puede reír cuando se acepta la muerte..."

Une comédie certes dramatique de par la finalité inéluctable de toute vie - à laquelle nul ne peut se soustraire, même pas Candelaria et Victor Hugo- mais au jeu des points de vue audacieux et à l'accent cubain plein de dignité et de tendresse. Des personnages sages et des acteurs engagés, Jhonny Hendrix Hinestroza fait briller Candelaria !

Stéphane Sanchez

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