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Cassandro the exotico !

Dans le monde flamboyant de la Lucha Libre, Cassandro est une star incontournable. Il est le roi des Exóticos, ces catcheurs mexicains travestis. Malgré ses mises en plis et ses paupières maquillées, Cassandro est un homme de combat extrême, maintes fois Champion du Monde, qui pousse son corps aux limites du possible. Après 26 ans de vols planés sur le ring, Cassandro est en miettes, le corps pulvérisé et le moral laminé par un passé traumatique. Il ne veut cependant pas s’arrêter ni s’éloigner du feu des projecteurs...
Cassandro the exotico !

Une lutte pour la vie

 À travers ce portrait singulier, la réalisatrice interroge le rapport au corps et à la sexualité d’un homme devenu ouvertement gay dans un pays où les valeurs machistes s’imposent. Car la lucha libre n’est pas un spectacle futile, dans lequel des hommes déguisés, grimés et masqués se défient de manière bouffonne au cours de combats où chaque coup est programmé, répété, couru d’avance. Véritable passion populaire au Mexique, la lucha libre, ce sport-spectacle qui puise ses origines dans les anciennes traditions indigènes, devient le moyen d’expression et de lutte de la communauté homosexuelle et transgenre mexicaine à travers la figure des exóticos. Et permet l’affirmation de leur fierté.

Pour Cassandro, c’est aussi une revanche sur la vie. Il se livre et dévoile son quotidien, évoque un passé douloureux, marqué par la violence et son addiction à la drogue, ses relations conflictuelles avec son père. Puis sa découverte de la lutte, ce divertissement qui d’abord lui donne l’occasion de regarder des corps d’hommes moulés dans du lycra et qui finalement le sauvera, sans lui épargner de nouvelles blessures qu’il encaisse de plus en plus mal après 30 ans de carrière. La lucha libre, c’est une thérapie, une catharsis. C’est aussi une fête. Costumes, maquillage, parfum, coiffure, Cassandro se grime comme un acteur de théâtre avant chaque représentation et monte sur scène avec joie. Tournées avec une caméra de poing,  les images filmées par la réalisatrice se mêlent à des photographies personnelles et quelques images d’archives. Le dispositif cinématographique est simple et se veut intimiste. Cassandro nous apparait à la fois proche et lointain. Dans un monde qui nous rappelle celui des vieux films de famille dont nous savons que les personnages sont bien réels mais appartiennent à un autre temps, un temps magique mais aussi révolu, inaccessible.  L’être se confond et se fond parfois dans son personnage. Cassandro est double, peut-être insaisissable.

L’envers du décor

Le lutteur affiche fièrement son exubérance sur le ring mais aussi dans son quotidien. On le voit étendre ses costumes inspirés des tenues de Lady Di, qu’il admire, sur un fil à linge derrière sa maison, participer à une réunion de famille ou faire un inventaire de ses nombreuses blessures infligées au cours de sa carrière. Le sport-spectacle n’est pas idéalisé, l’entrainement et rude et si les coups sont préparés les blessures n’en sont pas moins réelles. Elles lui ont valu de nombreuses opérations et des interrogations sur la poursuite de sa carrière. Malgré les tournées mondiales, le show, les paillettes et le glam’, la lucha reste avant tout un sport de combat exigeant et épuisant. Marie Losier capte ce moment critique, plein de doutes et de souffrances, avec une réelle tendresse envers celui avec lequel elle est depuis devenue amie.

Joie et tristesse, fierté et peur, force et fragilité, Cassandro personnifie la lutte entre le bien et le mal qui est selon lui le sens de la lucha libre. Il donne chaire à son personnage en dévoilant ses failles mais aussi une inépuisable volonté de s’en sortir et de surpasser ses démons personnels tout en militant pour la cause d’une communauté opprimée, sans jamais se penser en victime. Bien qu’ancré dans la société mexicaine et le territoire frontalier ultra-violent du nord du pays, nul doute que ce témoignage trouvera un échos au-delà des frontières tant il est résolument emprunt d’humanité. 

Sophie Almonacil

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