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Festival de Biarritz - Edition 2018

Se rendre au festival de Biarritz, c’est un peu le grand luxe : celui de s’installer dans les belles salles de cinéma de la Gare du Midi, du Royal ou de l’Auditorium du Village consacré au festival et situé – rien de moins –  juste au-dessus du Casino, face à la mer. C’est aussi le luxe de sortir d’une séance et de se rendre au Salon des Ambassadeurs de ce fameux Village pour assister à une table ronde, à un concert, ou encore pour visiter une exposition de photographie puis déguster un ceviche en terrasse avec vue sur l’océan. C’est aussi le luxe de profiter, une fois encore, des derniers rayons du soleil, ceux de la fin septembre, ceux qui annoncent l’arrivée du froid de l’automne. Et pourtant, dans les salles et lors des tables rondes, nous sommes transportés bien au-delà de cet écrin de confort.
Affiche projetée

Le festival de Biarritz, c’est aussi et avant tout un rendez-vous : on y retrouve des amis de l’an passé, qui n’ont pas pris une ride et avec lesquels on commente allègrement et avec émotion les films que l’on a vus, pas vus, décidé de ne pas voir faute de temps dans ce programme chargé. On rencontre aussi, dans une petite ville qui s’anime une dernière fois avant la basse saison et où les spectateurs arpentent la rue principale arborant leur inconfundible tour de cou bleu auquel est accroché leur abonnement pour cette semaine extraordinaire, un public fidèle ainsi que les membres de l’équipe organisatrice, tous soucieux de proposer une programmation variée mais selon un fil conducteur qui honore chaque année un nouveau pays. En 2017, c’était la Colombie, cette année, l’Uruguay.

Brechner - Compañeros

On est à peine surpris du palmarès : l’excellent Compañeros, d’Álvaro Brechner a suscité un élan de sympathie en salle dès la première séance, en ouverture du festival, et reçoit donc le prix du public. Le film ne sortira en France qu’en 2019, et il fait déjà l’unanimité : cette noche de doce años est adaptée du roman Memorias del calabozo, de Mauricio Rosencof et Eleuterio Fernández Huidobro, et évoque les années d’une dictature militaire dont on parle trop peu, celle de l’Uruguay. Le point de vue adopté est multiple et fragmenté : trois prisonniers politiques tupamaros, José Mujica, futur président, Mauricio Rosencof et Eleuterio Fernández Huidobro, les deux auteurs du livre, tous contraints de survivre dans des conditions d’emprisonnement relevant d’une torture physique et psychologique. « Mieux vaudrait les exécuter », dit d’ailleurs l’un des médecins après une visite médicale. C’est donc l’illustration d’une résistance à l’œuvre qui fait de ce travail, au-delà de ses qualités techniques, un film réussi, savamment rythmé par un chef d’orchestre ayant déjà l’expérience du long-métrage, notamment dans Mal día para pescar (2009).

Jury Biarritz Audrey Louyer

 

Une autre belle surprise, c’est celle de Pájaros de verano. On connaissait déjà le talent de Ciro Guerra, d’ailleurs présent à Biarritz l’an passé, dans L’étreinte du serpent ; cette fois, c’est dans un espace tout différent , celui de la forêt amazonienne, que se déroule l’action de ce film réalisé avec Cristina Gallego : la Guajira, désert du nord-est de la Colombie où des indigènes Wayuu se livrent  peu à peu au commerce de marijuana, au péril de leurs traditions et de l’équilibre qui existait entre les familles. Le long-métrage articule l’atmosphère des films de far-west, la tragédie grecque et revêt par moments les traits du documentaire. On ne reste pas insensible à l’engagement politique et esthétique de ce film qui reçoit l’Abrazo du meilleur film.

Brechner Compañeros et Cristina Gallego Pájaros de verano

Et puis il y a les films qui ne payent pas de mine, à première vue, mais qui pourtant, promettent de belles rencontres à venir avec le public français : on pense d’abord à Cómprame un revólver, de Julio Hernández Cordón, que l’on pourrait considérer comme une vengeance du jeune Heli (Heli, Amat Escalante, 2013), dans un film qui adopte le point de vue de l’enfant et évoque la violence à travers le prisme de la métaphore. On retiendra aussi trois films hors-compétition : Mi mejor amigo (Martín Deus, Argentine), Retablo (Álvaro Delgado, Pérou) et le film d’animation Pachamama, de Juan Antin.

Enfin, on ne jouera pas Pierre Bayard en parlant des films que l’on n’a pas vus, mais l’on soulignera l’attention toute particulière apportée au film Deslembro, de la Brésilienne Flávia Castro, et au monument inclassable La Flor, un film de quatorze heures réalisé par Mariano Llinás, notamment scénariste de Santiago Mitre : ils reçoivent respectivement le prix du Syndicat français de la Critique et le prix du jury. Des documentaires, et des courts-métrages sont également primés lors de la cérémonie de clôture, qui offre, comme point d’orgue, une version restaurée de Guantanamera, de Tomás Gutiérrez Alea, qui sortira en France dans quelques jours.

Le dimanche, la ville dégage comme un parfum de nostalgie, et retrouve son calme avec la promesse d’un nouveau rendez-vous l’an prochain. 

 

Audrey Louyer

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