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Almodovar à la Cinémathèque française

05 Avril 2006 | 31 Juillet 2006
Une exposition introspective où la vie du cinéaste et son œuvre s'entremêlent et brouillent la frontière entre fiction et réalité.
Affiche de l'exposition
Pour cette ¡Exhibition! dédiée au réalisateur Pedro Almodóvar, la Cinémathèque française a vu grand. Plus que sur le réalisateur, c'est un regard sur l'artiste qui nous est proposé. En neuf espaces, le visiteur est invité à pénétrer dans un univers à part entière. Comme l'explique Serge Toubiana, le maître des lieux, « la Cinémathèque n'est pas qu'un lieu de mémoire. L'œuvre de Pedro Almodóvar y est physiquement présente, une œuvre constituée d'un univers plastique qui ne demandait qu'à être exposé. »

Démarche peu commune en effet que celle d'organiser une exposition accompagnée d'une rétrospective du vivant même de l'artiste, et avec lui. Originalité à laquelle répond Almodóvar, en toute humilité, par l'intérêt de l'exercice que cela a constitué pour lui. Contraint à prendre de la distance vis-à-vis de son travail, il fait l'expérience psychologique bizarre de pénétrer en des lieux où tout est fait de sa propre vie. Impression ni positive, ni négative, juste bizarre: « Il a été difficile pour moi de travailler sur mon œuvre parce que ma personne et mon œuvre sont devenues au fil du temps indissociables. » Une exposition qui évite donc habilement le danger du narcissisme, offrant à voir pêle-mêle aspects purement filmiques et aspects très intimes de la vie du réalisateur.

Le parcours s'ouvre ainsi sur la valise en bois du petit écolier manchego en internat. Suivent divers objets comme des cahiers de la Telefónica où le jeune Almodóvar travaillait: collages et textes qu'il serait aisé de considérer comme les préfigurations de son futur travail. Pourtant, le réalisateur insiste: « Toutes ces petites choses qui ont l'air insignifiantes font partie de ma vie. Doit-on voir ici une sorte de sacralisation des objets ? Oui et non. Non, parce que ces objets ne sont que des objets. Je préfère les conserver dans leur dimension commune, banale. »

L'humilité passe également par la mise en valeur de tout un patrimoine artistique contemporain espagnol. Toiles de Ceesepe, de Juan Gatti (notamment concepteur de l'affiche de l'exposition, mais aussi de nombre de films comme celle d'¡Átame!), de Dis Berlin ou encore de Guillermo Pérez Villalta. Ce sont là des impressions également étranges pour le visiteur qui découvre ces toiles, tout en ayant le sentiment de les redécouvrir, de les avoir déjà vues quelque part... dans les films d'Almodóvar, pardi! Comment enfin ne pas évoquer l'inscription de l'artiste dans le mouvement de renaissance espagnole, la Movida. Une pièce intitulée "Pop" présente même Almodóvar comme l'Andy Warhol madrilène. Le pop art investit l'espace domestique, les couleurs foisonnent, les bondieuseries saturent les étagères et des travelos super héros peuplent roman-photos et bandes dessinées.

On regrettera tout juste que les quelques courts-métrages présentés en fin de parcours ne fassent pas partie intégrante de la rétrospective. Réalisés dans les années 80 pour la télévision espagnole et excavés très récemment des archives personnelles d'Almodóvar, Trailer pour les amants de l'interdit et Tatouage sont des petits bijoux d'humour et d'artisanat. Explication de texte: « Ces films en super 8 faisaient partie de spectacles vivants que nous organisions avec mon frère. Nous réalisions nous-même des fac-similés d'actualités ou de bandes-annonces, puis nous projetions tout cela dans des soirées avec les courts-métrages. Je faisais en direct la voix-off, mais aussi les synchronisations de tous les personnages. Parfois, je me permettais de commenter ou d'insulter tel ou tel personnage que je n'aimais pas. C'était très vivant, très particulier. J'ai évolué maintenant, je ne pourrais pas reproduire à l'identique ce genre de spectacle. Il faut que je continue d'examiner ces archives, parfois très endommagées et qu'il faudrait commencer par restaurer, et de réfléchir à ce que je pourrais en faire aujourd'hui. »

L'exposition se clôture par une pièce qui porte le nom de son prochain film, Volver, déjà en salles en Espagne et couronné d'un grand succès. Ultime malice d'une œuvre qui n'est pas finie. Almodóvar ne sait pas encore s'il sera à Cannes en mai prochain mais confie que les bobines de Volver sont bel et bien dans les mains du Comité d'organisation... à suivre.


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