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Black is Beltza II: Ainhoa

Un Film de Fermin Muguruza
Avec Itziar Ituño, Ariadna Gil, Antonio de la Torre
Thriller | Espagne | 2022 | 1h 20min
21e Festival CineHorizontes 2022- Marseille
Black is Beltza 2 ou quand l’animation se confirme être un exercice de résistance.
Ainhoa est l'héroïne du deuxième volet de Fermín Muguruza et de toute une équipe de grands professionnels qui se sont donnés à fond pour obtenir un film d'exception. Un film d'exception parce que personnel et riche en péripéties. Un film qui rend hommage au frère du réalisateur, qui donne des noms et des visages aux guerres sales et qui replace la musique au cœur des événements. Une manière d'éclaircir des zones d'ombre. Il est fort ce Fermín ! Belle production de Talka Records & Films, BIB2 Ainhoa AIE Lagarto Films, Draftoon Studio ! Merci à la distribution active et engagée d'Urban Distribution.
A la croisée entre la fiction et le documentaire, Fermin Muguruza et toute l'équipe du film offrent une animation digne d'un travail de broderie. De la dentelle du début à la fin. Tellement de détails, de précisions, d'informations, de références sauront ravir les diverses curiosités des spectateurs (directeur d'animation : Imanol Zinkunegi).

Il y en a pour les fans du groupe Kortatu, de sa musique et de son histoire, de cette fratrie indissoluble -Fermin et Iñigo-, de leur rencontre avec l'Histoire. Il y en a pour les fans des guerres sales, de l'arme de choc pour les plus conquérants, la drogue, l'opium et l'héroïne, les gouvernements qui se sont embourbés dans des guerres parallèles à la violence déchaînée sur la population innocente.

Il y en a pour la défense de la petite langue qui fait des géants, le basque et de son premier journal Egin. Ainhoa, la cubaine, fille de Manex et d'Amanda (cf. Te recuerdo Amanda de Victor Jara) vogue sur les traces de ses parents parce que le questionnement sur l'identité est plus fort que tout, parce que la volonté de vivre avec dignité et reconnaissance est nécessaire, parce que sentir où plongent ses racines fait atteindre le ciel, le soleil et les étoiles.

De la prison de Martutene à Saint Sébastien le 26 mai 1985 et l'évasion de Iñaki Pikabea et de Joseba Sarrionandia Uribelarrea, alias Sarri (cf. chanson Sarrí, Sarrí de Kortatu), cachés dans le matériel de concert du chanteur Imanol Larzabal, à la répression des manifestations au Pays Basque en septembre 1988 (sur des chants de Mikel Laboa) et le dernier concert de Kortatu, ce sont trois ans dans la vie de Ainhoa qui se déroulent en 1h20 en passant par Cuba, en Août 85- à Guerrero, Holguín-, et sa rencontre avec Joseba et Imanol. Au passage, une belle scène dont les deux frères Muguruza sont les protagonistes, interrogés par Josune, journaliste pour le journal Egin et qui se termine par une citation de Salvador Allende : « Il n'y aura pas de révolution sans chanson ».

D'autres sujets et personnalités sont abordés et discutés au fil des territoires que traverse Ainhoa : le nucléaire au Pays Basque et l'ETA, Melitón Manzanas (bourreau et collaborateur de la Gestapo, premier assassiné par ETA), le quartier dit « conflictif » La Txantrea à Barcelone (cf. chanson de Barricada). Nous débarquons ensuite au Liban où les conversations entre des personnages clefs feront référence au Nicaragua, aux Sandinistes, aux Contras, à l'héroïne, à la CIA, à Ronald Reagan, aux armes et à l'Hezbollah, aux camps d'extermination de cette région. Les magnifiques dessins des bâtiments, des rues, des références au cinéma et aux affiches des chanteurs et chanteuses s'intensifieront à chaque déplacement. Le travail artistique de recréation est ici un régal (Beñat Beitia et Mariona Omedes).

S'en suivront des aventures à Kaboul, des références à la Révolution de Saur de 1978, à l'Opération Cyclone de la CIA, à Al-Qaïda. Les poètes sont encore et toujours cités, armés de leurs paroles immortelles face à l'horreur d'autres hommes : « La vie est belle et c'est beau d'être vivant » (Maïakovski). Puis le Kurdistan et la Turquie. Les femmes dont celle que croisera Ainhoa portant le nom de « mémoire et paix » s'unissant à d'autres pour former une guérilla dans la plaine de la Bekaa, au Liban. Et puis il y aura les véreux, les espions, les pervers et les violeurs d'enfants. Il y aura la corruption. Il y aura Marseille en octobre 88. Le spectateur le plus à jour sur le thème de la French Connection saura reconnaître le personnage de Daniel Forestier, un espion étrange, le mafieux Lucky Luciano, etc...

Black is Beltza 2 est un film qui traite de personnages et de l'Histoire de manière savante et ludique à la fois. Les décors sont plantés et détaillés, la musique est témoignage et même adaptation de l'Histoire, les tracés sont bien distincts et agréables à l'œil (2D, 3D, Cut Out). Le doublage des personnages est à la hauteur de la qualité du scénario coécrit par Harkaitz Cano, Fermin Muguruza et Isa Campo (voix : María Cruickshank, Itziar Ituño, Eneko Sagardoy, Ramón Agirre, Antonio de la Torre, Ariadna Gil, Darko Peric y Gorka Otxoa). Le rythme soutenu ne laisse pas le spectateur chavirer dans l'émotionnel ou encore le doute quant à l'évolution des personnages (créés par Josep Homs et Ame Tres Voltes Rebel) ou à la véracité des faits et éclaircissements. La place est au rock et le rock est au service de la Liberté.

Pour retrouver le réalisateur et son camarade de route Sergí López, visionnez notre interview réalisée à l'occasion du premier volet sorti en mai 2019 : ITW Fermín Muguruza et Sergí López | Black is beltza| Mai '19 - YouTube

Marie-Ange Sanchez


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