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Affiche Même la pluie

Même la pluie

Un Film de Iciar Bollain
Avec Gael García Bernal, Luis Tosar, Carlos Aduviri, Carlos Santos, Raúl Arévalo
Drame | Espagne | 2010 | 1h43
3 Goya en 2011
Sortie en DVD le 15 Juin 2011
L'Histoire par le peuple
Dans une fiction finement ficelée, Iciar Bollain superpose deux événements que 500 ans séparent. Même la pluie est en lice pour l'Oscar du meilleur film étranger.
C'est dans la jungle bolivienne que Costa, producteur (Lluis Tosar), et Sebastián, réalisateur (Gael García Bernal), ont choisi de tourner un film d'époque sur Christophe Colomb en y dévoilant tout le cynisme, la cupidité et la violence de ce personnage historique. Le célèbre navigateur italien n'a pourtant jamais mis les pieds en Bolivie, mais le film au budget réduit nécessite une figuration importante et Costa se félicite du faible coût des comédiens et des figurants dans ce pays.

C'est dans ce cadre fictionnel que la réalisatrice Iciar Bollain et le scénariste de Ken Loach, Paul Laverty, ont intégré la révolte populaire, bien réelle, de la « guerre de l'eau » qui opposa en 2000 les citoyens les plus déshérités de Cochabamba à la multinationale en charge de l'approvisionnement en eau. Costa et Sebastián engagent Daniel (Juan Carlos Aduviri), un acteur non-professionnel, pour interpréter le rôle d'Hatuey, le chef de la révolte indienne. Mais Daniel est aussi l'une des figures de proue de la révolte populaire qui gronde. Son militantisme et la situation insurrectionnelle viennent progressivement perturber le tournage du film.

Ces différentes couches fictionnelles se font savamment écho et rappellent qu'entre un Christophe Colomb asservissant les populations indiennes il y a six siècles et les ravages contemporains du néolibéralisme, l'histoire semble se répéter. Cette mise en relation nous invite également à regarder le passé sous un angle différent, celui d'Howard Zinn (1922-2010), auquel le film rend hommage. Cet historien américain, auteur d'Une histoire populaire des Etats Unis de 1492 à nos jours (Ed. Agone), a toujours défendu l'idée que ce ne sont pas les « grands hommes » qui font l'Histoire mais bien les « peuples ». Les grands progrès sociaux ont selon lui toujours été arrachés aux gouvernants après une lutte et un engagement parfois violent. La « guerre de l'eau » qu'Iciar Bollain utilise comme support dramatique en est une illustration, tout comme la manière dont le personnage de Christophe Colomb est revisité.

Confrontation et représentation

Le propos de la réalisatrice ne s'arrête pas là, le film est avant tout une embarquée humaine, une histoire de confrontation et de représentation. L'Espagnol Costa et le Bolivien Daniel se jaugent et s'opposent sans cesse. Costa ne comprend pas l'attitude de Daniel qui participe activement à la lutte en mettant parfois sa vie en danger tout en compromettant le tournage du film. Le producteur semble prêt à mettre de côté sa dignité pour terminer le tournage, une attitude inconcevable pour Daniel. La dramatisation progressive du récit teste l'attitude des personnage dans des conditions limites. Le spectateur est complètement happé par les conflits moraux de Costa, de Sebastián et du reste de l'équipe. Avec Même la pluie on découvre une facette insoupçonnée d'Iciar Bollain qui nous avait habitués à des récits simples, intimistes et centrés sur les relations hommes/femmes (Flores de otro mundo, Te doy mis ojos, Mataharis...). On la sait désormais capable de combiner des couches narratives disparates, de maîtriser avec talent des scènes spectaculaires, tout en ne cédant rien sur le fond. Assurément, l'une des réalisatrices espagnoles les plus douées de sa génération.

Thomas Tertois


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