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À Clermont-Ferrand, l’Espagne joue sur tous les tableaux !

En compétition dans la Sélection Internationale, dans la section Expérimentale Labo ou dans le Panorama De la Fuite dans les Idées, l’Espagne a su tirer son épingle du jeu lors de l’édition 2014 du Festival du Court-Métrage de Clermont-Ferrand.
Affiche du festival de court-métrage de Clermont-Ferrand

En Compétition Internationale, trois courts-métrages ont particulièrement retenu notre attention, dont deux directement en lien avec la crise économique que traverse l’Espagne depuis maintenant cinq ans.

Elkartea, de Kote Camacho, révèle, le temps d’un repas entre "amis", la face cachée de chacun. Confronté à la misère, qui est-on ? Un donneur de leçons, un fuyard, un lâche, un brave… ?

Vient ensuite Sin Respuesta, de Miguel Parra, qui suit Lola, téléopératrice pour un organisme de crédit. Celle-ci accomplit comme une automate son travail de relance par téléphone pour le recouvrement de dettes, qui tient plus, à vrai dire, du harcèlement téléphonique. Elle laisse ses émotions hors des parois de sa petite cabine de travail, jusqu’au jour où un grain de sable dérègle sa mécanique bien huilée.

Enfin, dans un tout autre registre, Sequence, une coproduction Espagne-Etats Unis, de Carles Torrens, situe très clairement son contexte dans l’Amérique profonde, mais l’humour, d’inspiration variée, renvoie aussi bien à la tradition de l’esperpento, qu’au style gore, aux films de zombies tels Shaun of the Dead ou aux séries Z chères à Quentin Tarantino. En quelques mots : le monde entier a rêvé de lui, au matin, sa vie devient un cauchemar… !

La section expérimentale Labo a présenté deux courts-métrages de formes extrêmement différentes mais dont la recherche artistique éveille le même intérêt, pour l’un comme pour l’autre.

À la manière d’un tableau animé, Montaña en Sombra, de Lois Patiño, joue sur les ombres et les silences et présente des skieurs dérisoires qui se meuvent tels des fourmis sur des pentes enneigées majestueuses. Ce rêve poétique à la texture contrastée montre la relation de l’Homme à la Nature dans un infini troublant ainsi que dans sa vulnérabilité face aux éléments.

Seul court-métrage d’animation de la sélection espagnole, Sangre de Unicornio, de Alberto Vázquez, suit deux nounours (!) partis chasser la licorne. L’humour noir et satyrique dans la veine de l’esperpento évoqué plus haut, revu et corrigé à la mode 2013, laisse cependant deviner, derrière sa cruauté gratuite et son cynisme, l’évocation, toute en finesse, de la rivalité fraternelle, des brimades et de la frustration qui en découlent.

Le panorama De la Fuite dans les Idées montre enfin l’évolution des préoccupations sociales des cinéastes espagnols ces dix dernières années.

Contracuerpo de Eduardo Chapero-Jackson, daté de 2005, met en image la métaphore du mannequin. Une jeune femme va tout faire pour atteindre les mensurations idéales, pour que son corps s’adapte aux normes/diktats des mannequins, et vivre son rêve quitte à s’autodétruire sous les yeux des passants.

En 2012, dans Misterio de Chema García Ibarra, c’est une mère de famille peu gâtée par la vie qui va, elle aussi, aller vers sa propre destruction en fuyant sa réalité dans un délire mystico-extraterrestre.

Enfin en 2010, La Huida de Victor Carrey, aussi présenté lors de la séance d’ouverture, est un puzzle poétique et drôle qui articule délit, fuite et final spectaculaire. On en retiendra l’ironie du sort, qui laisse rêveur et amusé.

Sin Respuesta : notre coup de cœur

L’intérêt dramatique de ce court-métrage réside dans la mise en lumière de la perversion du système et de l’instrumentalisation de la détresse.

À 46 ans, Miguel Parra, journaliste de cinéma à Canal+ España et habitué des festivals et avant-premières, s’est décidé à passer côté caméra pour raconter une histoire que lui tient à cœur : le harcèlement téléphonique pratiqué par les organismes de prêts à la consommation lors d'une insolvabilité.

Après quelques recherches, le réalisateur découvre alors qu’il y a toute une industrie derrière ce harcèlement téléphonique. Initialement, Miguel Parra souhaitait traiter son sujet du côté des victimes, mais au cours de ses recherches, il a été frappé par le courage, et surtout le besoin de travailler des téléopérateurs. « Comment peut-on assumer de voler les gens de cette façon, leur rappeler leur profond désarroi ! Paradoxalement, cet aspect-là était le plus intéressant, dramatiquement parlant. C’est en montrant la journée type de ces personnes que le spectateur prend conscience de l’ampleur du scandale ». L’angle par lequel le sujet est abordé révèle l’incroyable cruauté d’un système implacable qui broie la population même qui le fait vivre : la classe moyenne, à la fois victime et bourreau.

Sin respuesta, c’est le téléphone auquel on ferait parfois mieux de ne pas répondre. C’est la confrontation avec l’innocence et la sagesse enfantine qui vous laisse parfois sans réponse. C’est aussi l’impuissance face à un système qui vous dépasse et auquel on n’a rien à répondre…

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