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Affiche

La hija de todas las rabias

Un Film de Laura Baumeister de Montis
Avec Ara Alejandra Medal, Virginia Raquel Sevilla Garcia, Noé Hernandez, Diana Sedano, Carlos Gutiérrez
Drame | Nicaragua, Espagne, France, Mexique, Pays-Bas, Allemagne, Norvège | 2022 | 1h30
Mention spéciale Biarritz Amérique Latine, Prix du Syndicat de la critique + Prix du Jury Biarrot, Torino Film Festival, Annecy Images Hispano-Américaines, Prix du Jury San Francisco International Film, Festival Golden Gate Prize Minneapolis , St Paul Film Festival Mention Spéciale
La fille de toutes les rages

Un film venu du Nicaragua. Inattendu, rare et précieux. A la réalisation, une femme : Laura Baumeister (courts-métrages : Isabel in winter, Ombligo de agua) Dans l’équipe, un réalisateur et producteur que nous apprécions fortement : Julio Hernández Cordón (Las marimbas del infierno, Te prometo anarquía, Cómprame un revólver). Une union d’artistes qui créée des films venus d’une autre dimension, d’autres personnages, d’autres paysages. C’est avec la jeune et déjà charismatique Maria (Aracely Alejandra Medal) que nous embarquons dans une relation mère-fille plus puissante que tout ce qui les entoure et les sépare : la décharge de La Chureca, la crise de la communauté du lac contaminé de Xolotlán, les séparations sociales, le destin. Ce n’est pas sans une touche surréaliste que ce film chorégraphie la quête de la fille de toutes les rages. Elle arrive sur les grands écrans de France le 13 septembre 2023.

« L’imagination comme un arbre » (Laura Baumeister dans le dossier de presse de Tamasa distribution).

La Chureca est la plus grande décharge à ciel ouvert de Managua. Ce lieu, la côte du lac Xolotlán et ses reliefs montagneux, représente la seule ressource pour de nombreux locaux. Des familles précaires, des femmes, des enfants. La fragilité de ce dur quotidien, qui plus est le vent qui souffle régulièrement, ne laissent pas le spectateur respirer. Comment peuvent-ils être encore vivants ? Quelques plans suffisent à poser le décor pour éveiller notre curiosité sur la vie dans ces collines de détritus. Des enfants sauvages, des adultes prédateurs, une terre qui étouffe mais une mère vaillante jusqu’au bout. Ce film qui nous vient de l’autre bout de notre industrie cinématographique ne nous laisse pas indemnes.

Quelle beauté que de voir la relation « féline » entre cette mère, Lilibeth (Virginia Sevilla) et cette fille. Quelle beauté de voir comment la mère tâche d’armer du mieux qu’elle le peut, sa fille au monde qui l’attend. Quelle beauté de voir comment cette mère maintient, envers et contre tout, une infime échappatoire vers l’amour inconditionnel qui transmute la femme en félin et la rage en résistance. Nous saluons ici le travail autour du son des collaborateurs Jean-Baptiste de Laubier et Arthur Simonini pour la partition, Lena Esquenazi pour la conception sonore. L’univers musical construit donne une dimension spatiale à La Chureca, aux personnages et à leurs péripéties.

Un conte depuis l’enfance.

La beauté vient de la mise en scène de ces deux personnages mais également du recours à la fable, à la transformation de la mère en une figure mythologique, aux rêves de tous les possibles. Maria prend soin des chiots qui seront bientôt vendus, mais elle échoue. Elle apprendra durement le prix des erreurs dans le territoire qui l’entoure et deviendra ce chien qu’elle n’a pu sauver tout autant que la fille du chat aux sept vies. Du sable, du vent, le minéral est partout. Les décors évoluent au fil des scènes. Nous nous déplaçons de la décharge, aux tas plus hauts que les montagnes naturelles, vers un centre de recyclage qui fait aussi office de lieu de travail pour enfants (Noé Hernández, Diana Sedano), pour des plantations en fin de culture et ainsi de suite ; les frontières entre les espaces sont de cruelles réalités dont, tel Ulysse, Maria se voit grandie. C’est avec son camarade Tadeo (Carlos Gutiérrez) qu’elle apprendra à transformer cette rage qu’elle porte en son ADN. Elle et les autres enfants, si familiarisés avec l’expérience de l’abandon, de la maladie, de la mort sont des résistants qui chantonnent chaque soir une comptine rassurante. La pauvreté ne lâche rien, les enfants survivent et c’est les poings fermés que Maria progresse vers son objectif. Les spectateurs pourront s’imaginer à leur gré les retrouvailles, si elles seront celles tant souhaitées ou encore inéluctables.    Finalement, l’initiation de Maria à la rage de vivre nous éclaire sur la mission première de sa mère aimante : élever sa fille, au sens propre du terme.

« Nous brûlons tout pour mieux recommencer » rappelle une femme travailleuse des champs à la lionne Maria. C’est ainsi que La hija de todas las rabias, l’un des cinq longs métrages de fiction des trente dernières années ou plus du Nicaragua -le premier à être réalisé par une femme nicaraguayenne - nous ouvre les yeux sur l’intime et l’étranger avec brio. Le film éclaire sur la tragédie de la consommation et surproduction en donnant naissance à la beauté du lien originel entre une mère et sa fille. Nous reconnaissons le travail acharné de toute l’équipe du film au vu de la quasi inexistence de fonds nationaux : les productrices Rossana Baumeister et Bruna Haddad et les coproducteurs, la directrice de photographie Teresa Kuhn.

Un premier film sans erreur, sans à peu près, magique, qui nous va droit au cœur.

Marie-Ange Sanchez


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