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Africa mia

16 Septembre 2020
Un documentaire sur 18 ans de l'histoire d'un groupe de musique créé dans les années 60. « Une enquête, une quête ». Pas les Stones, Bob Marley ou les Buena Vista Social Club mais Les Maravillas de Mali. Des étudiants maliens boursiers à Cuba pendant sept ans ont mis en pratique leur apprentissage en créant le premier groupe afro-cubain. Richard Minier a suivi son intuition -emportant avec lui le second réalisateur Edouard Salier- et a pris à cœur de rappeler in situ et à l'international à quel point les membres du groupe sont les emblèmes de deux peuples avides d'expression musicale et d'assumer pleinement la fonction de l'Artiste dans la construction de leur société!
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         « Jouer ensemble » ou la fabuleuse histoire des Maravillas de Mali

Pendant 15 ans, Richard Minier se rend au Mali. Son regard tourné vers une zone oubliée par le milieu européen artistique en 1999 a su capter les palpitations de Bamako. La vie nocturne, les fêtes, la joie du Mali d'alors en disaient long sur ce pays qui vivait politiquement un élan « républicain ». Tati Keita, à la tête du ministère de la Culture en 1964, œuvrait pour une société foisonnante et constructive. Les artistes pouvaient enfin faire partie du mouvement. A l'échelle intercontinentale, entre autres, c'est grâce aux liens tissés avec Cuba (cf. La Conférence Tricontinentale) que Maravillas de Mali débutera et vivra son succès. Dix jeunes envoyés à La Havane de Castro en 1964 grâce à une bourse leur offrant des études. Aucun frais à débourser, une initiative gratuite pour eux. La mission de ces jeunes musiciens maliens débutait aussitôt: « Réussir. Peu importe la durée ». Ils devaient apprendre la musique pour devenir les premiers professeurs de musique au Mali.

« Nous sommes les premiers professeurs de musique maliens »

C'est ce parcours fabuleux qui est conté par le réalisateur. La narration accompagne des images d'archives, photographies et articles de presse, pochettes de disques et témoignages de personnalités diplomates ou anonymes jusqu'à aujourd'hui. Un dispositif classique mais inédit ici. Ce qui donne une dimension magique, voire sacrée, à l'histoire du groupe, de sa naissance à sa reconnaissance puis renaissance, ce sont les archives vidéo recueillies depuis le début de la rencontre entre Richard Minier et Bamako. Les formats des images évoluent au fil des années et sont montées avec dextérité (Julien Perrin). Un patchwork de souvenirs, retrouvailles, rencontres et voyages cousu par l'amitié. Le documentaire présente un rythme périlleux dès le début : son dynamisme a pu laisser pour compte des détails qui seraient susceptibles à eux seuls d'être le thème d'autres films. Mais il fallait bien faire des choix et il y a de quoi applaudir ce documentaire où les intervenants n'ont pas leur langue dans leur poche, qui donne envie d'en voir et d'en écouter plus.

« Ils ont l'habitude de manipuler les musiciens illettrés et, nous, on n'a pas voulu se laisser faire »

Las Maravillas de Mali c'est Dramane Coulibaly, Bah Topo, Aliou Traoré, Mustapha Sakho et les autres. Des membres fondateurs, il n'en restera qu'un : Boncana Maïga, le Maestro, celui de Negro-Band, de Africando, du Conservatoire de la Côte d'Ivoire, de la RTI, de Stars parade, de Aya, de Moolaadé, de Toonkagouna, et bien plus encore. Pendant quinze années d'enregistrements et de volonté de refonder un groupe en toute légitimité, les visages s'effacent au fur et à mesure. Boncana Maïga, celui qui avait pris des risques en partant pour des territoires où l'on considérait ses compétences, sera le dernier à porter à bout de bras la musique des Maravillas de nouveau là où il s'est « formé comme homme ». Devenu chef d'orchestre, star en Afrique, saxophoniste et flûtiste, producteur de musique, professeur, celui qui « a toute cette musique dans la tête », relève le défi de Richard Minier. Un autre voyage à Cuba se dessine, les retrouvailles dans un studio (Egren), Boncana, des musiciens de l'Orquesta Aragón, So Pilon, Ricardo Egues, Santiago Mirales ou encore Eduardo Rosillo de l'émission radio « Alegría del sobremesa » (Radio Progreso) ou Roldán González Rivero des Orishas.

« Unis par la musique. Peuples et musique »

Le disque est fait, du « Rendez-vous chez Fatimata » à « Radio Mali », Africa mia est créé. Le spectateur comprend vite qu'il ne s'agit pas que d'un documentaire mais du début d'une renaissance de l'expression artistique que les régimes politiques ont voulu diriger, museler, tuer. Une exposition photographique, un disque, une tournée (dont un concert à la Philharmonie de Paris en mai 2019), un film, une distribution dans les Instituts français. « Un truc à tiroirs » qui donne la parole non seulement aux musiciens mais aussi à leurs femmes, enfants, producteur (Daniel Cuxac) et représentants culturels et politiques (Salif Keita, Cheick Tidiane, Mory Kanté). L'histoire se répète aussi pour les périodes glorieuses, et fait briller tout le tissu humain et musical fondamental pour croire encore et toujours que l'Humanisme n'est pas qu'une utopie.

Marie-Ange Sanchez

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