Films

Affiche

Los lobos

Un Film de Samuel Kishi Leopo
Avec Martha Reyes Arias, Maximiliano Nájar Márquez, Leonardo Nájar Márquez
Drame | Mexique | 2021 | 1h32
“We want to go to Disney. One ticket please.”
Après son premier long métrage Somos Mari Pepa (2014), Samuel Kishi Leopo revient sur grand écran avec Los Lobos, un très bon deuxième film, primé aux festivals de Berlin et de la Havane. Une histoire d’exil vue depuis le regard et les ressentis de deux jeunes enfants. Le réalisateur est parti de sa propre expérience pour raconter cette histoire, ce qui rend ce film authentique et réaliste notamment grâce à la superbe interprétation des deux garçons. Malgré les nombreux films sur le thème de l’immigration et de l’exil, celui-ci nous offre un point de vue rare et touchant en s’intéressant à ce que vivent et ressentent les enfants qui doivent faire face à un tel déracinement et trouver de nouveaux repères dans un environnement qu’ils découvrent jour après jour.

Le film s’ouvre sur des paysages qui défilent depuis la fenêtre d’une voiture et la voix de Léo entonnant la chanson Las calaveras: Chumbala Cachumbala (“cuando el reloj marca la una… cuando el reloj marca las dos…”/ quand l’horloge indique le un.. quand l’horloge indique le deux…). On comprend qu’il s’agit bien entendu du temps qui passe et qui éloigne cette famille de sa vie passée.

Samuel Kishi Leopo a fait le choix d’un film au présent. Le passé est évoqué uniquement à partir d’objets qui nous interrogent : à qui appartient ce stéthoscope ? Qu'est-il arrivé au père des garçons ? etc. Mais le réalisateur ne nous en dira pas plus. Des éléments distillés comme les pièces d’un puzzle permettront à chaque spectateur.trice de se faire sa propre idée de leur passé car au final, ce n’est pas ça le plus important. Ce qui compte, c’est le moment présent et tout particulièrement celui des enfants, et comment ils appréhendent leurs journées. Quant au futur, il est inexistant. Ils vivent au jour le jour et la seule projection dans le futur apparaît à travers leur rêve d’aller un jour à Disneyland. Un rêve qui se conjugue aussi au présent puisque pour atteindre ce but, leur mère, Lucía, leur a imposé la condition d’apprendre l’anglais.

“We want to go to Disney. One ticket please.”

Lorsque les enfants attendent le retour de leur mère dans l’appartement, les paroles de la chanson entonnée par Léo au début du film nous reviennent en mémoire, et prennent tout leur sens, quand celle-ci leur dit qu’elle sera de retour quand l’horloge indiquera le sept. Et cette attente, nous allons la vivre avec eux. Une grande partie du film est tournée en huis-clos avec une caméra au plus proche de Max et Léo afin de mieux ressentir leur isolement et cette sensation d’être coupés du monde extérieur. Sentiment renforcé par leur interdiction de quitter l’appartement. Comme pour eux, lorsqu’ils regardent par la fenêtre, les plans tournés vers l’extérieur à travers cette fenêtre nous offrent une petite sensation d’évasion et l’idée qu’il existe une vie à l’extérieur.

Loin d’être pesant, ce huis-clos révèle des moments de grande complicité et de tendresse, comme cette scène entre Max et sa mère déguisés en ninjas ou encore une partie de foot improvisée avec une boule de papier. Des petites choses toutes simples du quotidien qui représentent beaucoup quand on n’a rien. Et c’est ça aussi que l’on retiendra avec Los Lobos : une belle leçon d’humilité et de solidarité.

Les personnages secondaires jouent également un rôle important dans le film. De ce couple de chinois qui n’inspire pas forcément confiance au début -et qui va se révéler d’une grande bienveillance- en passant par les camarades de jeu qui apprennent de leurs erreurs, chacun évolue et apporte sa petite touche d’humanité qui nous laisse à penser qu’il y a de l’espoir et qu’avec un peu d’entraide, tout devient possible.

Le film s’achève par une belle série de portraits, version “photographie”, des gens du quartier puis sur celle de Lucía, Max et Léo. Tant d’histoires différentes derrière chaque personne mais un sentiment fort d’appartenance à une seule et même communauté. Si certains peuvent voir en Los Lobos un film de plus sur le thème de l’immigration aux Etats-Unis, on appréciera ce regard différent apporté au sujet et qui en fait un film sincère, tendre et plein d’espoir.

Agathe Ripoche


+ d'infos
Voir ce film