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Quien a hierro mata

Un Film de Paco Plaza
Avec Luis Tosar, Xan Cejudo, Ismael Martínez
Drame | Espagne | 2019 | 1h 47min
La vengeance peut-elle permettre la vie ?
Antonio Padín, le grand trafiquant de drogue de Galice, sort de prison : souffrant d'une maladie dégénérative, il est autorisé à recevoir des soins. Cependant, il préfère aller dans une maison de retraite plutôt que de dépendre de ses deux fils qui souhaitent poursuivre l'œuvre familiale, selon des méthodes que le Père ne peut accepter. À la maison de retraite, Antonio rencontre Mario, un infirmier qui le prend en charge. Celui-ci semble bien dévoué à l'ancien trafiquant ; quelles sont ses motivations ? Pendant ce temps, une opération menée par les deux progénitures tourne mal : l'un d'entre eux est incarcéré et l'autre est prêt à tout pour le sauver de sa mort programmée.
Paco Plaza nous avait habitués à des films d'horreur surnaturels où le démon prend peu à peu possession des protagonistes : [Rec] et Verónicaen sont le parfait exemple. Dans son nouveau film, plus proche du thriller psychologique que du film d'horreur, le démon se trouve dans la vengeance contenue dans les couloirs d'une maison de retraite (et non pas d'une maison hantée). Un infirmier vit une vie calme et paisible en Galice ; il s'occupe de personnes âgées et sa femme attend leur premier enfant. Il est apprécié de tous ses collègues et des vieillards dont il s'occupe. Seulement, il suffit de l'arrivée d'un nouveau résident pour que son équilibre apparent vole en éclat : Mario est en proie aux démons de son passé. Serait-il cette moule écrasée d'un coup de paume de la main, impunément et gratuitement, lors de la toute première scène du film ?

Le spectateur est témoin d'un acte de bonté qu'il ne sait tout d'abord pas expliquer : pourquoi Mario s'occupe-t-il si bien de cet homme qui a causé la mort de tant de personnes ? Il comprendra ensuite que cette compassion apparente relève plus de la haine que de la gentillesse. La trame semble tourner autour du trafic de drogue, alors qu'il s'agit en réalité d'une vendetta qui hante la totalité de ce petit coin d'Espagne si tranquille en apparence. L'heure de la vengeance semble venue pour Mario : son frère a perdu la vie à cause de la drogue vendue par le vieillard qui intègre la maison de retraite. Qui veut la peau d'Antonio Padín ? Mario devrait savoir qu'il est pourtant bien difficile de se faire justice soi-même... Les rebondissements sont incessants, jusqu'au soupir rageur final ; le spectateur est happé, aspiré dans cette histoire où les innocents ne le sont plus. Les flashbacks se rapportant au frère disparu relèvent cependant d'un registre plus proche de la série B que du thriller, dommage.

Quien a hierro mata est sublime pour bien des raisons : d'abord son scénario, tout aussi complexe que son personnage Mario. Mais aussi ses images : aucune mort gore ou choquante, juste un drap maculé de points rouges qui s'agrandissent, alors que le corps fantasmatique s'affaisse, au ralenti. Tout est suggéré, montré sans être montré (sauf la scène de l'accouchement, chastes et sensibles s'abstenir) : la dernière scène restera longtemps gravée dans l'esprit du spectateur. La poésie visuelle si caractéristique du cinéma asiatique est sans aucun doute présente (on ne peut oublier ce chemin de fleurs, en plongée, sublime).

Il est vrai que sans Luis Tosar, le film ne serait pas le même, pas aussi poignant sans doute. Il est aisé de comprendre pourquoi le rôle lui a été confié : après des films tels que Celda 211, El Niño ou encore Toro, Luis Tosar incarne le thriller espagnol contemporain. Ici, pourtant, il n'incarne pas un homme vil de prime abord : sa haine est retenue, contenue, elle explose dans le silence, dans la solitude qui le rapproche de sa vengeance en l'éloignant de sa famille. Un film sublime, captivant, qui ne laissera personne indifférent. Du grand cinéma !

Aurore Kusy


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