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Affiche

La camarista

Un Film de Lila Avilés
Avec Gabriela Cartol, Teresa Sanchez, Agustina Quinci
Drame | Mexique | 2018 | 1h 42min
Cinélatino Toulouse 2019
La camarista ou la noblesse d' Eve
Ce film est lent mais c'est ainsi que Lila Avilés atteint la beauté des gestes et rend digne son personnage, tout comme une mise en scène des lieux proche d'une photographie, les éléments de la composition en suspens. Nous nous attachons à Eve plus fortement qu'on ne l'aurait cru.
Qui est-elle ?  Que fait-elle ?

Un huis-clos dans un immeuble où séjournent les hôtes. Ce sont bien les personnages les plus étranges du film. Et les femmes de chambre sont sublimées dans leur quotidien. Eve (Gabriela Cartol) est celle que nous accompagnerons au plus près dans ses tâches soignées, dans ses relations avec ses collègues (dont Teresa Sanchez dans le rôle de Minitoy), dans ses appels téléphoniques aux siens. Nous la verrons et regarderons comment elle exprime ses qualités humaines, ses désirs, ses frustrations seule ou avec les autres, qu'ils soient touristes, mère (Agustina Quinci) et enfant isolés, journaliste bordélique ou homme d'affaires méxicain. Eve se faufilera entre tous et sera celle qui voit mais qu'on ne voit pas véritablement, celle aussi qui entretiendra une relation plus ludique avec les objets de son quotidien, comme une enfant qui découvre des trésors, comme le goéland qui accompagne les marins (cf. Jonathan Livingston). Tous sont mis en scène avec élégance et choix précis, certainement parce que la contrainte du cadrage est évidente dans ce film. Les chambres d'hôtel et les espaces du service interne sont filmés au cordeau.

Il y a aussi les hommes, des collègues, des ouvriers intérimaires, des clients seuls, tristes et certains même au comportement obsessionnel. Là encore elle saura évoluer entre ces âmes errantes, au statut bien différent du sien. Eve apprend des anciennes et travaille dignement pour offrir à sa famille de quoi l'élever coûte que coûte. Le personnel dort sur place mais on ne le voit jamais au repos. Des souterrains au dernier étage de l'Hôtel Présidente Intercontinental, à l'architecture servant de décor et véritable ossature d'un choix de cadrages strictes, le spectateur devient l'ombre de cette femme sans ombre qui, malgré tous ses efforts, perdra ses ailes dans cette autre jungle architecturale ultramoderne (Carlos Rossini à la photographie). Il n'y a pas de place pour la femme vraie, le misérabilisme a gagné tous les milieux professionnels. Les voyageurs de passage à Mexico ne font que passer, et les relations clients-femme de chambre se révèlent malgré les apparences, dénuées de sens lors de leur départ.

Quand plus rien n'a de valeur pour la digne Eve, quand les autres l'utilisent et l'exploitent, que choisira-t-elle?

Un premier film de Lila Avilés, projet originairement destiné au théâtre, influencé par le livre Hôtel de Sophie Calle et co-écrit avec Juan Marquez, qui place l'intimité d'une femme de chambre au-dessus de tous les individus victimes, directement ou indirectement, des maladies des temps modernes : la solitude, l'individualisme, la mesquinerie, l'ignorance. Un film qui rend justice aux mains précieuses, aux femmes qui luttent dignement, aux libertaires des temps modernes.

Marie-Ange Sanchez


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