Films
Arturo Silva, le galeriste interprété par Guillermo Francella -acteur adulé en terres américaines grâce à ses rôles dans de nombreuses pièces de théâtre et spectacles comiques avec sa partenaire Erica Rivas et aux films Rudo y Cursi en 2008, El secreto de sus ojos en 2009 ou encore El Clan en 2015, - endosse le rôle de l'homme médiateur dans le marché de la peinture, montré sans complexe dans le jeu des relations d'intérêt corrélatives à la profession. Dans l'ombre et à la fois aux origines de tout, il y a ce grand peintre Renzo Nervi, insufflé par le non moins admiré en Argentine Luis Brandoni (acteur de la série Durmiendo con mi jefe avec Francella, et dans de nombreux films depuis les années 60, sans oublier ses années de souffrance avec la Triple A). Ses toiles ne connaissent plus la gloire du marché. Alors les sarcasmes du peintre croissent à mesure que l'oppresse la frivolité des commandes que lui transmet avec empressement son fidèle compagnon Arturo. Mais celui-ci a aussi des réactions bien à lui face au cynisme de Nervi (les toiles véritables sont de Carlos Gorriarena). Et puis lorsque le conflit progresse, c'est plutôt la solidarité, la protection et les chaleureuses accolades qui prennent place entre eux. Voici un duo pour qui rien n'est impossible. La caméra de Gastón Duprat se fait discrète pour faire place à la dignité des personnages. La photographie est neutre, les décors d'intérieur vrais.
Deux amis aux vies bien pleines de joies, d'amour, de quelques peines, d'audaces, de grandes folies et de douces rébellions. Deux amis qui ont l'art de vivre...et qui vivent de l'art. Et dans l'art, tout est possible !
Un coup de maître
Vendre, acheter, peindre...mais si un jour l'ordre des choses se renversait ? Si un jour un autre équilibre se mettait en place ? Si l'atelier du peintre n'était plus ? Si l'acheteur se lassait ? Si l'artiste mourait ? Alors viendrait le pied de nez, le renversement des possibles, le coup de maître !
Duprat prend un virage au ralenti, passe des plans serrés de Buenos Aires aux plans discrètement larges de la région de Jujuy. La fresque prend des couleurs plus argileuses, minérales et végétales, toujours plus près des toiles. La peinture sur toile est portée à l'écran : la caméra devient pinceau et les surprises sont au rendez-vous ! La quadrature du cercle s'applique : le film se termine là où il a commencé avec la valeur ajoutée des péripéties vécues pleinement.
De l'art en abondance
Les références artistiques sont généreuses dans le film de Duprat ; son frère, directeur du Musée de Buenos Aires, en est le scénariste. Comme Gastón le souligne dans son entretien avec Kaleen Aftab pour Cineuropa : « Nous avons surtout eu à cœur de réaliser une œuvre pour le plaisir des spectateurs ». C'est ainsi que les amateurs d'art reconnaîtront les œuvres des artistes plastiques des années 80 comme Luis Felipe Noé, Brickles, Diego Perotta, Eduardo Stupía, Carlos Herrera, les galeries-fondations Elía Rabirosa et Fortabat ou encore le célèbre ultime geste du Greco.
Un film fait de personnages contradictoires, parfois en opposition mais toujours complémentaires. Porteurs de principes salvateurs, ils sèment le désordre. L'imposture, ce sont les autres, les artistes ce sont eux ! Des Quichottes argentins, des génies culottés face aux marionnettes du système et les montagnes de Jujuy pour terrain de jeu. Les malicieux Arturo et Renzo nous ont éblouis !