Films
The bookshop
The Old House : l'éveil de la convoitise
Isabel Coixet construit l'éventail des personnages influents avec dextérité et amusement. Le plateau mis en scène, inspiré du livre de P. Fitzgerald, est à la frontière entre le conte et le documentaire, entre une esthétique de Woody Allen et de Tim Burton. Le monstre du récit ne pouvait manquer : une femme âgée, Violet Gamart (Patricia Clarkson), aristocrate aux bras longs et à la langue bien pendue, bourgeoise imbuvable et manipulatrice invétérée, use d'un pouvoir abusif sur la vie des autres. L'histoire d'amour non plus ne pouvait manquer à la recette, mais pas n'importe comment car Isabel Coixet sait raconter les amours naissantes avec bienséance et délicatesse.
The bookshop est aussi un film à costumes qui renferme à forte dose les conséquences dévastatrices d'une bourgade corsetée dans la vie d'une femme simplement fagotée et qui innove avec humilité. Il y a aussi cet autre personnage masculin répulsif, Milo North (James Lance), qui manigance contre les ambitions de Florence sans aucune dignité. Comme l'on s'y attend un peu, Violet et Milo sont contrecarrés par deux personnages positifs : Edmund Brundish (Bill Nighy) qui prendra une place inestimable dans l'élan revigorant de l'ouverture et du maintien de la librairie. Ce compagnon de route permet à Coixet de détourner notre attention du véritable gain insubmersible de cette partie de jeu : la mémoire du témoin porteur d'espoir, la petite Christine (Honor Kneafsey).
Lolita de Nabokov est un peu Florence et un peu cette dernière aussi. Ce livre qui est redevenu à la mode dans les productions artistiques espagnoles actuelles (cf. Luna Miguel ou Lola López Mondéjar) est aussi l'élément qui fait basculer la vie des personnages mais peut-être pas assez clairement pour comprendre la place et la force de la littérature dans nos sociétés, que ce soit depuis les publications ou les censures.
L'œuvre de Florence, l'action des uns et la perfidie des autres
Dans The bookshop se développe une maïeutique des personnages, ils sont nombreux à évoluer sur des pistes attendues mais plaisantes à suivre. Comme si nous assistions à un agréable tea-time, le spectateur se régale de participer à l'enquête. Florence a repoussé les limites de la bourgade, il faut donc s'attendre à tout : les plans sont serrés puis s'élargissent. Les scènes en intérieur montrent la douce solitude du trésor de la littérature : les livres et les échanges sur les livres. Des scènes en extérieur nous rappellent l'étroitesse des personnages qui engloutissent tout et le courage des esprits libres.
La situation finale est nouvelle, indestructible, le spectateur comprend alors que les risques pris par Florence n'ont pas été vains. Ce film est un ovni esthétique dans la filmographie de la réalisatrice mais on y retrouve sa passion pour la littérature, ses inquiétudes pour la place de la femme dans la société, la défense de la transmission comme espoir de paix de nos communautés.
The bookshop est l'histoire d'une histoire qui renferme des livres qui racontent des histoires et ainsi de suite ! Il met en exergue la place de la mémoire et de la transmission, nous comble de la beauté des images. Les dialogues résonnent dans l'ordre chronologique du film puis à rebours dans l'esprit du narrateur. L'enquête est menée, les malfaiteurs débusqués, les rêves portés loin. Tout s'explique. Voici de quoi apprécier ce film intelligent, touchant et réconfortant. C'est avec un sourire au coin des lèvres que nous ressortons des salles françaises en cette époque festive et protestataire. Tous les espoirs sont permis, les belles fins aussi, le courage avant tout !
Marie-Ange Sanchez
Isabel Coixet présente son documentaire Spain in a day à l'occasion de la 10ème édition du Festival Dífferent!10 à Paris le jeudi 15 juin 2017. Un hommage lui est rendu pour son remarquable parcours. Elle prépare la sortie de son prochain film: The Bookshop. Elle répond aux questions des Rédacteurs de... Lire la suite