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Impulso

Emilio Belmonte
Avec Rocío Molina
Documentaire | Espagne, France | 2017 | 1h 25min
IDFA 2017, Documenta Madrid 2018
Le "temple" de Rocío, casi' na'
Filmer la danse. Un défi que relève avec succès Carlos Saura, toujours. Ces approches ont varié depuis son court métrage Flamenco en 1955 en passant par El amor brujo en 1986 jusqu'à son dernier film musical Jota de Saura en 2016. Il utilise tantôt des mises en scène chorégraphiées, des scénarios théâtralisés, des solos imprévus, des ballets en studio, les feux des projecteurs, les lumières naturelles, les couleurs primaires ou les rayons du soleil. Tout est filmé : le souffle des danseurs, les poussières soulevées par les tenues des danseuses, les corps et la musique. Saura filme la danse et nous l'offre avec générosité. Emilio Belmonte est le grand héritier de ce cinéma : il moule sa danseuse et ses musiciens dans le format du documentaire et nous offre avec tout autant de générosité l'art de Rocío Molina. Un Impulso pour l'amateur de flamenco ou le fin connaisseur ; le défi est relevé avec brio.
A propos de la mort dans le flamenco

Une pionnière du vertige, voilà en quoi réside le motif de ce documentaire. Rocío Molina œuvre dans l'entre-deux et devient un corps qui parle, qui mute, qui transmet. Emilio Belmonte ne capte pas son intimité en tant que personne, il capte le génie qui prend forme dans son corps et nous permet de défier ce qui est inconnu pour nous, le silence, la fin, la mort.

D'autres diront que la catharsis prend place au rythme du flamenco, un rythme carré, qui ne laisse que peu de place à l'improvisation et pourtant là encore, Rocío Molina investit les recoins de l'imprévu sans jamais lâcher la corde qui la raccroche au sol.

Elle transite entre la fin du mouvement et le début de l'autre, elle puise toute sa force dans cet état, elle la laisse l'envahir sans crainte malgré la tentation du désordre. Ses musiciens et chanteurs, ceux qui l'accompagnent depuis le début comme les nouveaux arrivants, sont emportés par la créativité de la danseuse qui redonne même un souffle nouveau à La Chana, sa muse (nous vous recommandons le documentaire biographique de Lucija Sotjevic : La Chana). Ils s'interrogent, expérimentent, persévèrent pour amadouer à leur tour le vertige du précipice, des scènes internationales aux répétitions en Andalousie, de la communication verbale aux émotions en mouvement.

Le pouvoir de la musique

Nombreux sont les documentaires musicaux qui penchent pour une mise en scène tout autant délirante que leurs propres figures filmées. Avec Emilio Belmonte, nous découvrons un documentaire respectueux et porteur du compás : les prises de son vertigineuses témoignent d'un montage de haute-voltige. Il ne s'agit pas de filmer un corps pour un film muet, mais de le voir évoluer de pair avec les sons et la musique dans un équilibre, avec objectivité. Et la variété des salles de répétition et de représentation sont autant d'obstacles pour le directeur du son que pour le caméraman. La complexité des situations de tournage offre un rendu de très haute qualité : le détail et les finitions sont si présents qu'ils déplacent le spectateur vers les plus majestueuses et performantes salles philarmoniques.

Emilio Belmonte a l'habitude de dire qu'il a fait ce film pour ceux qui se demandent qui est cette femme et à quoi ressemble le flamenco en ce début de siècle. Il a eu raison et il a su nous le montrer.

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