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Bienvenue Mr Marshall

Un Film de Luis García Berlanga
Avec José Isbert, Lolita Sevilla, Manolo Morán, Alberto Romea, Elvira Quintillá
Comédie | Espagne | 1953 | 1h 15min
Prix de la bonne humeur au Festival de Cannes 1953, Meilleur scénario original. Círculo de Escritores Cinematográficos, Meilleure musique pour Jesús García Leoz. Círculo de Escritores Cinematográficos
Olé y olé
C'est avec grande joie que nous redécouvrons cette satire de la société espagnole, produite en 1952, ici proposée dans une version restaurée par Tamasa Diffusion. Le film avait obtenu le Prix de la Bonne Humeur au Festival de Cannes en 1953 tout en échappant à la censure franquiste : la parodie fonctionne encore aujourd'hui. Les puissants n'ont qu'à bien se tenir, Luis García Berlanga, Juan Antonio Bardem et Miguel Mihura redébarquent !
Bienvenue Mr Marshall...et au revoir !

Ce village de Villar del Río est gravé dans les mémoires de tous les amateurs de cinéma espagnol. Comment peut-il en être autrement au regard de toutes ses composantes? Un scénario original qui rompt avec la narration cinématographique jusque-là pratiquée et même souvent appréciée par le grand public des films folkloriques espagnols, une interprétation intergénérationnelle entre la pureté du jeu non-professionnel pour certains et la rigueur de l'expérience pour d'autres, un usage du son au sens large du terme où les voix rugueuses s'entremêlent au chant andalou, où le bruit s'étend à la maîtrise d'instruments ancestraux de la Castille ; un décor naturel se transforme en un artificiel village andalou, les plans opposés s'entrechoquent allant du style documentaire au style fictionnel, les dialogues se font complices pour le plaisir des spectateurs aguerris. La grande rencontre est annoncée : les américains débarquent à Villar del Río !

Un paradis : le village du fond du cœur

Il fait beau sur la place de Villar del Río. Du balcon du maire Don Pablo (José Isbert, soulignons notamment son passage dans les studios de Joinville, puis en Amérique latine et en Espagne dès les années 50 avec plus de 120 films à son actif dont La bien pagada de Fernández Ardavín, El verdugo de Berlanga, El cochecito de Marco Ferreri ou encore Los dinamiteros de Atienza), on y voit se dérouler gracieusement la vie de tous les habitants. Les plus jeunes sont à l'école, les autres s'occupent des terres, des bêtes ou se prennent au sérieux dans des conversations à thématique sociopolitique contemporaine. Les personnages sont au complet : la figure de l'hidalgo est interprétée par Alberto Romea, la maîtresse d'école Eloísa par Elvira Quintillá, le curé Don Cosme est incarné par Luis Pérez de León, le médecin Don Simón est joué par Félix Fernández. Le village de Villar del Río n'échappe pas à la règle : il y fait bon vivre car la vie est simple. L'équilibre s'est installé, l'heure est à la fête. Carmen Vargas, une artiste sévillane de la scène (Angeles Moreno Gómez connue comme Lolita Sevilla) arrive docilement au village accompagnée de son agent, un expert des arts scéniques louant les compétences de sa jeune artiste, au langage brut comme un diamant (Manolo Morán, qui avait fait ses débuts au Teatro Nacional de la Falange puis tourné dans plus de cent films, grand interprète de seconds rôles).

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L'inoubliable voix de Fernando Rey, âgé de 35 ans, nous guide dans cette magistrale parodie dès la première journée où la vie paisible du village va basculer, surprenant le spectateur tant par sa complicité ouverte avec lui-même qu'avec les propres images du film. Tout apparaît, disparaît, bouge ou s'immobilise au son de ses volontés. Le narrateur montre et démontre que le cinéma est bien une technique d'expression aux multiples facettes. Il sert le divertissement tout autant à la manière du genre folklorique autorisé de l'époque que des fins esprits libertaires.

De l'anarchie avant toute chose !

Tous les maires ne sont pas des ronds-de-cuir, tous les villages ne sont pas de vides plateaux de cinéma bon marché, tous les travailleurs sont à respecter. Les femmes et les hommes de Villar del Río sont tous bien plus que les sujets d'un pouvoir centralisé qui promet monts et merveilles à ses électeurs, ils n'oublient pas le chemin de fer promis, l'industrie mise en place ailleurs, toujours ailleurs, la qualité de ses travailleurs de la terre, et leur sourire au coin des lèvres. Tous sont beaux à voir lorsqu'ils s'évertuent à recevoir en grandes peinetas et hautes pancartes les Yankees inconnus, riches, puissants et même... déjà ridiculisés!

La délégation du Plan Marshall est la bienvenue, Villar del Río saura rebondir...elle est prête ! Qu'il est bon de puiser la force citoyenne dans cette parabole cinématographique où tout est lucide par l'humour, les rêves et la culture de ceux qui ont connu la faim, la perte et la terreur !

 

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