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Amours cannibales, un film de Manuel Martin Cuenca

Amours cannibales

Un Film de Manuel Martín Cuenca
Avec Antonio de la Torre, Olimpia Melinte, María Alfonsa Rosso,Delphine Tempels, Gregory Brossard
Drame | Espagne | 2013 | 1h 56min
Festival de San Sebastian 2013 (Prix du Jury de la meilleure photographie), Goya 2014 (sélection catégorie meilleur fillm), Festival Cinespaña (meilleure interprétation masculine, meilleur scénario)
Une très belle prestation d'Antonio de la Torre dans ce film sobre et énigmatique

Carlos, un homme parfaitement intégré dans sa ville : un homme somme toute comme les autres... ou presque !

Carlos est un tailleur très réputé de Grenade ; il est calme, paisible, aimé de tous, ne cause pas de problèmes, fait bien son travail et est célibataire depuis longtemps. Mais il a un autre visage, beaucoup plus horrible : il tue les femmes qu'il aime pour les manger , et garde les morceaux de viande dans son frigo, bien enveloppés de cellophane, avant de les manger avec uniquement un verre de (bon) vin. Mais tout change quand une femme, Nina, vient le voir car elle cherche sa sœur disparue, Alexandra, la voisine de Carlos...

Le film commence par un plan d'ensemble, très éloigné, dans la nuit, d'une station service ; on comprendra par la suite que l'on voyait à travers les yeux de Carlos, qui observait sa future proie depuis sa voiture. Tout au long du film, il sera très difficile de parvenir à entrer dans ses pensées, tant il semble mystérieux et hermétique. On ne saura jamais pourquoi, ni comment il a sauté le pas et a commencé à manger de la chair humaine, de femmes exclusivement. Antonio de la Torre, qui incarne ce monstre tranquille, est excellent : il parvient à nous transmettre toute la folie du personnage à travers une force très paisible. L'apparente sérénité de Carlos devient même totalement dérangeante...

Un film contemplatif et psychologique avant tout

La photographie est parfaite. La lumière est très soignée, les corps et les personnages mis en relief. Si vous avez peur de voir du sang, ne vous en faites pas, il n'y en a pratiquement pas ; la pire scène, de ce point de vue, se trouve au début : Carlos vient de propulser la voiture d'un couple dans un fossé, récupère la femme, l'apporte dans sa maison dans la montagne, la tue : un filet de sang coule par terre, avec un son qui donne la chair de poule... Le film est plus difficile d'un point de vue psychologique ; la scène la plus marquante serait celle où, au bord d'une plage, Carlos traque une femme dans l'eau, et quand la nuit tombe, elle reste dans l'eau, lui sur la plage, les pupilles écarquillées, il attend patiemment. Cette image de prédateur résigné et implacable est incroyable. Le film tisse plus le versant psychologique du personnage que son action de tuer. Ainsi, le plus intéressant est que le cannibalisme n'est pas le sujet principal du film, mais plutôt un prétexte car ce qui intéresse le réalisateur est de montrer les mécanismes employés par Carlos pour parvenir à ses fins ; mécanismes qui se retrouvent anéantis suite à l'apparition de Nina, la soeur d'une de ses victimes. Cette sœur va chambouler toutes ses petites habitudes et va le pousser à aller vers quelque chose qu'il ne connaît pas, ou qu'il ne connaît plus. Là se trouve peut-être l'intérêt du film, dans cette mise en difficulté, filmée à travers une caméra contemplative.

Aurore Kusy


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