Films

Sombras, de Oriol Canals

Sombras

Oriol Canals
Documentaire | Espagne | 2009 | 1h34

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Sombras ou les naufragés du Sud

Originaires du Ghana, du Mali ou encore du Burkina Faso, ils ont traversé la Méditerranée pour rejoindre le paradis Europe. Echoués sur les plages du village d'Alcarras en Espagne, ils vont être confrontés à une réalité bien différente de celle qu'ils avaient imaginée. Oriol Canals, à travers son premier documentaire, Sombras, donne la parole à ces immigrés devenus des « ombres » aux marges de la société.

« Comment montrer des personnes qui ont peur d'être vues ? ». Après sept années aux côtés des immigrés de son village, Oriol Canals, l'a bien compris : témoigner, raconter leur histoire, leur rêve qui a fait naufrage relève de la gêne, de l'embarras. C'est donc seuls, dans une pièce devant un fond blanc, face à la caméra, qu'ils rapportent à leur famille l'enfer qu'ils vivent.

Dans ces lettres audiovisuelles, ils décrivent d'abord la dure traversée de la Méditerranée, la soif, la faim, la mort qui s'emparent lentement des membres de la pirogue et les engloutissent les uns après les autres. Ils implorent Dieu, leur dernière lueur d'espoir. Pour ceux qui finissent le périple, c'est avec soulagement qu'ils atteignent leur Eldorado, mais rapidement, leur rêve européen se transforme en cauchemar les entraînant vers un nouveau naufrage.

« L'Europe devient trop dure »

Ces immigrés deviennent des hommes désœuvrés, rattrapés par la réalité de la vie des sans-papiers. Ils obtiennent rarement un travail décent, fouillent les poubelles pour trouver de quoi se nourrir, dorment où ils peuvent, dans des cimetières pour quelques-uns, là où les morts ne les rejetteront pas. Un fossé invisible se creuse ainsi entre deux mondes parallèles, le leur et notre société, celle qui les exclut. Les voitures défilent à côté d'eux sans jamais s'arrêter, sans jamais s'y intéresser. Effet de miroir, leur témoignage face à la caméra s'adresse directement à nous, spectateurs.

Mais il est presque impossible de revenir en arrière, impossible d'avouer à leur famille que l'Europe est loin d'être ce petit bout de paradis tant convoité. « Un conseil : si tu ne trouves rien ici, il vaut mieux mourir ici que de rentrer les mains vides », dit l'un. Ces « ombres » craignent l'éventuel rejet et l'affrontement avec leurs proches qui ont souvent placés énormément d'espoirs en leur réussite économique.

Sur un rythme parfois lent, Oriol Canals multiplie les images d'un esthétisme saisissant en utilisant le clair-obscur, les contrastes entre une pièce dans la pénombre et le soleil par la fenêtre, symbole de leur libération ou de leurs croyances. SOMBRAS est ainsi un récit collectif touchant par sa véracité, sans misérabilisme ni positionnement politique.

Ils s'appellent Fousseyni Daniokho, Famara Daniokho, Sadou Cissé, Abdoulkader Diaby, Alpha Hamed Dianté, Fodé Diouf, Gabriel Johnson, Patrick Mensah... Leur identité n'est dévoilée qu'à la fin du documentaire, une manière de rendre à ces hommes un peu d'humanité et surtout de les faire sortir de l'ombre.


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