Films

Affiche Le Songe de la lumière

Le Songe de la lumière

Un Film de Victor Erice
Avec Antonio Lopes, Marina Moreno, Enrique Gran, Carmen Lopez, Elisa Ruiz
Drame | Espagne | 1992 | 2h14
Prix du Jury au Festival de Cannes 1992
Sortie en DVD le 08 Septembre 2010
Le Songe de la lumière, misère et splendeur de la création artistique
Ni tout à fait réalité, ni tout à fait fiction, une quête de la lumière à travers l'expression créative...
Fruit « d'un coup de tête » du peintre Antonio López et du réalisateur Víctor Erice, Le Songe de la lumière a tout d'abord été qualifié de documentaire. Le spectateur y trouve en effet le quotidien de l'artiste pendant la création de son œuvre dans une maison apparemment à l'écart de la ville, et pourtant située au coeur de la capitale espagnole. Jour après jour, pendant près de deux mois, dans un cadre où tout est mesuré au millimètre près, la caméra suit les gestes du peintre. Celui-ci désire réaliser un tableau et prend le cognassier comme modèle. Ce n'est pas tant la lumière du jour qu'il souhaite saisir, mais celle que libèrent les coings et, avec eux, le souvenir de toute une enfance.

La mise en place de tous les instruments servant le processus créatif nous plonge dans une sorte de rituel, une cérémonie à laquelle Antonio López se consacre avec le plus grand dévouement, agissant à la fois en bon géomètre et en bon architecte. Son travail nous est montré à travers un style épuré, avec une extrême précision et beaucoup de délicatesse. On sent, derrière ce décor dépouillé de tout artifice, la volonté d'effacer autant que possible la présence de la caméra. Il est aisé néanmoins de deviner dans cet effort la maîtrise d'un art aussi subtil que la peinture. Le jeu sur les différentes perspectives, sur la (dis)symétrie et les lignes de fuite, à maints égards proche de la technique d'Ozu, fait plonger le spectateur dans un ravissement semblable à celui du peintre.

Le Songe de la lumière n'a rien d'un reportage télévisé ou d'un documentaire au sens formel du terme. Et bien qu'à aucun moment la moindre trace de scénario ne soit palpable, les frontières entre ce genre et la fiction restent floues. Les protagonistes se livrent à nous avec naturel et ne semblent obéir à aucune norme dramatique apparente. Et si les dialogues sont rares, c'est bien parce que le réalisateur entend faire primer le pouvoir évocateur de l'image. Notre regard est constamment sollicité à travers les multiples prises de vue, l'évocation de l'espace et du temps. Le contraste entre le temps personnel des protagonistes (les visites des parents et amis ou les conversations des maçons) et le temps universel (les nouvelles données à la radio ou la météorologie) laisse libre cours à une réflexion sur l'être humain et son rapport à la nature. Dès l'automne, celle-ci reprend le dessus sur l'œuvre d'Antonio López et l'oblige à renoncer à son tableau. Aussi va-t-il faire une nouvelle tentative, changeant de méthode — le crayon se substitue à la peinture —, toutefois conscient qu'il lui sera désormais impossible de capter cet instant magnifique où le soleil illumine le cognassier. L'arrivée du printemps annonce quant à lui l'idée d'un éternel recommencement sur lequel l'homme ne peut agir et les fruits, blets, restés par terre, cèdent leur place aux bourgeons qui percent déjà.

Mêlant habilement touches d'humour et profondes méditations sur l'homme, Víctor Erice atteint le sublime grâce à la finesse et à la perspicacité de son art. Filmant toujours avec retenue des scènes « banales » de la vie de l'artiste, il parvient à nous offrir deux heures de pur émerveillement, un prodige du cinéma espagnol sur un thème qui lui est cher : la fugacité et l'esprit insaisissable du temps.

Marta Martinez Valls


+ d'infos
Voir ce film
 

À lire aussi
L'Esprit de la ruche
Films | L'Esprit de la ruche
Il était une fois dans un petit village de Castille vers 1940. L'esprit de la ruche commence comme un conte et c'en est un. Il ne correspond pas à l'idée que la société de consommation actuelle se fait du conte : scénario à l'eau de rose d'une jeune fille passant à l'âge adulte en rencontrant le prince charmant. C'est un conte véritable.... Lire la suite

Elias Querejeta
Portraits | Elias Querejeta
Elías Querejeta, ce basque de Hernani, né en 1935, est tout d'abord joueur de football au Real Sociedad de San Sebastián, l'un des clubs prestigieux de la péninsule. Mais très vite, il va s'orienter vers ce qu'il aime avant tout, le cinéma : il va écrire et diriger en 1960 et en 1961, en compagnie de son ami, autre basque, Antxón Eceiza,... Lire la suite

Víctor Erice
Portraits | Víctor Erice
Né à Carranza en 1940, il étudie à l'Escuela Oficial de Cinematografía, l'école de cinéma de Madrid, de 1960 à 1963, au sein du département Réalisation. C'est dans ce cadre qu'il tourne ses premiers courts-métrages, Entre Vías et Páginas de un diario, ainsi qu'un moyen-métrage intitulé Los Días perdidos. En 1969, il fait... Lire la suite