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Affiche Les chemins de la mémoire

Les Chemins de la mémoire

José Luis Peñafuerte
Avec la participation de Francisco Etxeberría, Emilio Silva, Jorge Semprún, Marcos Ana, Natividad Rodrigo, Marisa Paredes
Belgique, Espagne | 2008 | 1h36
Quand la mémoire fait place à l'oubli
Un documentaire qui brise le silence sur la question de la reconnaissance des victimes de la Guerre Civile espagnole.
Il y a quelques mois, le grand écran nous offrait un film prodigieux, tout en finesse et en intelligence, sur la récupération de la mémoire historique au Chili : Nostalgie de la lumière de Patricio Guzmán. Quasi simultanément, José Luis Peñafuerte (Belgique, 1973) sort sur nos écrans Les Chemins de la mémoire, un documentaire qui aborde la question des disparus de la Guerre Civile et de la dictature franquiste. Il aura fallu près de trente ans après la mort de Franco pour que soit approuvée une Loi de Mémoire Historique, visant à rétablir dans leurs droits toutes les victimes de la Guerre civile espagnole et des années postérieures, en facilitant notamment les exhumations des fosses communes. Ce processus est encore loin d’être évident. Le juge Baltasar Garzón, qui avait donné l’ordre d’entamer des recherches de corps, a été débouté de ses fonctions en 2010 pour avoir brisé la Loi d’Amnistie votée lors de la Transition espagnole.

Les exhumations de cadavres républicains sont précisément l’un des axes de ce documentaire. Le réalisateur suit le travail de fouilles mené par une association dans un petit village. Au milieu d’un champ, des bénévoles grattent méticuleusement la terre pour découvrir des cadavres de républicains tués pendant la Guerre civile. Les familles viennent voir la progression des recherches, l’émotion et la mémoire refont surface. Certaines personnes espèrent retrouver un proche, un frère, un père, tué et enterré ici, à la va-vite, il y a des années.

Ces images sont un point d’ancrage dont se sert le réalisateur pour questionner le rapport à l’histoire. Peñafuerte parvient à rendre la complexité du problème sans pour autant tomber dans un quelconque procès : la parole est donnée aux protagonistes – les témoins, plus ou moins directs – et une voix-off, servie par Marisa Paredes, se fait l’écho d’autres voix (textes de lois, poèmes…). Natividad Rodrigo, une victime du franquisme, vient témoigner auprès d’élèves de la répression subie par une partie de la population. Quelques adolescents réagissent avec véhémence en souhaitant que l’on ne parle plus de cette histoire, signe des tensions qui parcourent la société espagnole. Des images nous montrent un rassemblement récent pro-Franco dans le tristement célèbre Valle de los Caídos, monument célébrant la « croisade » franquiste, érigé dans la souffrance par des prisonniers républicains. L’écrivain et militant Jorge Semprún ainsi que le poète et ancien prisonnier politique Marcos Ana apportent leur éclairage sur ces années de plomb et sur cette mémoire à reconstruire. Le va-et-vient entre ces images, parfois contradictoires, et celles des corps, bien vivants, de deux danseurs qui exécutent sur scène une sorte de combat fratricide, témoigne de la perspicacité du réalisateur, capable d’associer plusieurs types de matériaux et d’arts pour créer ainsi un récit polyphonique et polychrome.

Si certains peuvent réagir avec agacement face à une prétendue avalanche d’œuvres sur la question de la mémoire historique, Los caminos de la memoria n’en est pas moins précieux. Il s’agit d’un document non seulement nécessaire pour briser le silence mais aussi d’un film brillant par sa construction et son analyse de la situation actuelle.

Marta Martinez Valls


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