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La Belle jeunesse, un film de Jaime Rosales

La Belle jeunesse

Un Film de Jaime Rosales
Avec Ingrid García Jonsson, Carlos Rodríguez, Inma Nieto, Fernando Barona, Juanma Calderón
Drame | Espagne | 2014 | 1h 43min
Un Certain Regard (Festival de Cannes 2014), Prix du Jury Oecuménique - Mention Spéciale (Festival de Cannes 2014)
Jeunes au bord de la crise
Le réalisateur Jaime Rosales s'immerge dans l'Espagne en crise à travers le destin chahuté d'un jeune couple. Son film parvient à être à la fois noir et lumineux.
« C'est le truc le plus beau qui puisse t'arriver. Avoir un enfant avec la personne que tu aimes », Voilà ce qu'entend Carlos, le héros de La Belle jeunesse, lorsqu'il annonce à l'un de ses copains que Natalia, sa petite amie, est enceinte. « Le truc le plus beau » : c'est vite dit. Cela peut aussi s'avérer compliqué, lorsque vous avez 20 ans, que vous vivez encore chez vos parents, dans une Espagne terrassée par la crise, où trouver un emploi est un chemin de croix (plus de 50% des -de 25 ans sont au chômage, d'après les chiffres officiels). Oh, Carlos dégote bien quelques petits jobs  : mais des chantiers à 10€ la journée ; des déménagements payés au lance pierre.... Natalia, elle, envoie ou dépose CV sur CV. Généralement dans le vide... Fauche des produits de beauté au supermarché, songe à partir en Allemagne, nouvelle terre promise des précaires. Autour du jeune couple gravite une bande d'amis, pas mieux lotie.

Une caméra naturaliste, une impression de vérité.

A travers ces personnages, héros beaux et lumineux contre qui s'acharne le sort, le catalan Jaime Rosales (La soledad) brosse le portrait fiévreux et réaliste d'une génération sacrifiée à la violence économique, chez qui tourner un film porno peut devenir une solution de survie. Sa caméra cadre serré sur les visages, granule les images, impulse au long métrage un caractère presque naturaliste et une impression d'urgence et de vérité. Des sensations accentuées par l'absence de musique et la présence, dans les seconds rôles de comédiens amateurs ; des jeunes rencontrés par Jaime Rosales lors de son travail de recherche (lire notre interview du réalisateur). Ce pourrait être un documentaire. Nous sommes dans de la fiction. Pas sûre que la réalité soit moins pire.

La peinture est peut-être désespérante ; pour autant, Natalia, Carlos et les autres, s'accrochent, continuent d'y croire, refusent de renoncer : à l'espoir, à la légèreté. « Quand je serai riche, je t'offrirai une maison au bord de la mer », rêve Carlos. Il y a, dans le film, des éclats de lumière, des scènes apaisantes de tendresse familiale. Il y a aussi ces séquences, malignes et inventives, dans lesquelles l'intrigue avance, via une juxtaposition de photos prises au portables, de selfies, d'échanges sur les réseaux sociaux. Elles racontent la bringue, la joie, les moments où la réalité sociale s'éloigne. Oui, la jeunesse est belle. La dernière scène de ce percutant film social n'en devient que plus écrasante.


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