Portraits

José Coronado – Touche-à-tout

Avec sa cinquantaine de films, sa vingtaine de séries télé et ses dizaines de pièces de théâtre, José Coronado étonne par son éclectisme autant que par sa modestie. Portrait de cet étonnant prodige du cinéma espagnol, encore trop méconnu en France.
José Coronado - Touche à tout

Difficile d’imaginer que c’est le hasard qui a conduit José Coronado à embrasser le métier d’acteur, vu son impressionnante filmographie. Et pourtant. Indifférent aux sirènes du cinéma (mais pas à celles de la nuit madrilène), ce fils d’ingénieur se destine en effet, au sortir du lycée, à une carrière dans le droit. Mais, après quatre ans d’études, il se ravise et décide de tenter sa chance en médecine. Deux années supplémentaires au cours desquelles le futur Goya du Meilleur acteur estime être devenu, avec son indéfectible sens de l’humour, « un brillant joueur de cartes, et surtout de poker »… A défaut de prêter le serment d’Hippocrate.

Face à ces tentatives peu concluantes, c’est dans le monde de l’entreprise que le jeune Coronado va connaître ses premiers succès. Fort de son expérience en tant que modèle, il crée sa propre agence, puis en lance une autre, de voyages cette fois-ci, avant de monter un restaurant. Autant d’affaires, toutes florissantes, qui ne lui laissent toutefois guère le temps de souffler. C’est alors que l’actrice Christina Rota, une amie de longue date, lui suggère de l’accompagner à ses cours d’interprétation, dans l’espoir de le voir se détendre un peu. Intimidé par le milieu artistique, José Coronado craint de ne pas y avoir sa place, jusqu’au moment où son entourage, bluffé par son talent, lui assure qu’il a toutes les qualités requises pour faire carrière.

Diversité, mi amor

Familier de cet art, il fait ses premières armes au théâtre dans la pièce de Federico García Lorca, El público (1987). Porté par son goût de la découverte, José Coronado, qui fête ses trente ans, s’essaye alors au cinéma, dans un long-métrage de Joaquín Densalat, Waka-Waka (1987). Deux ans plus tard, il découvre le monde de la télévision comme figurant dans la série Brigada Central (1989), où il incarne Lucas, un flic très intellectuel, l’esprit scientifique de la fameuse brigade… Bien loin des rôles de galán qui, dès le début des années 1990, font de l’entrepreneur talentueux l'une des étoiles montantes du cinéma, de la télévision et du théâtre espagnols.

jos coronado 3De Yo soy esa (1990) où il partage l’affiche avec la chanteuse Isabel Pantoja, à Salsa rosa (1992), avec Verónica Forqué y Juanjo Puigcorbé, en passant par Una chica entre un millón (1994), l’interprète passe maître dans l’art de la séduction. Mais, soucieux de profiter de ce qu’il juge être le grand privilège des acteurs, la « possibilité d’avoir plusieurs vies », José Coronado s’affranchit de son image de charmeur en nouant son masque de mystérieux justicier dans La vuelta del Coyote (1997), un film historique réalisé par Mario Camus.

De prix en Goya

Sa carrière est lancée. En 1998, il reçoit sa première récompense, le prix du Meilleur acteur de télévision aux Fotogramas de Plata pour son rôle dans la série Periodistas. Un an plus tard, il est nominé aux Goya pour son interprétation du peintre éponyme dans le biopic de Carlos Saura, Goya en Burdeos. Une nomination qui préfigure sa victoire en 2002, année où il décroche le Goya de la Meilleure interprétation masculine dans un second rôle, pour La Caja 507, du réalisateur basque Enrique Urbizu. Liés par une solide complicité, José Coronado et Enrique Urbizu tourneront deux autres films ensemble, dont No habrá paz para los malvados, qui signe le triomphe de l’acteur madrilène, vainqueur du Goya du Meilleur acteur en 2011.

Fini les galanes : le personnage de Santos Trinidad, un « vrai fils de pute qui sauve le monde en cherchant surtout à sauver son propre cul », selon les termes de celui qui l’incarne, illustre la capacité de José Coronado à se glisser dans la peau de protagonistes aux personnalités complexes échappant aux simples distinctions manichéennes. En moins de trente ans de carrière, l’étudiant fantasque, devenu chef d’entreprise accompli, a su prouver qu’il savait tout jouer.

Engagement et confiance

jos coronado 4Mais, pour José Coronado, être confirmé par ses pairs est un détail. Il leur préfère le silence attentif des spectateurs qui règne entre deux répliques au théâtre et l’engagement en faveur de problématiques sociales. En jouant dans la pièce Algo en común (1997), le comédien tente ainsi de « faire passer un message sur le sida » à une époque où la maladie, encore méconnue, conduit à une exclusion insidieuse de la communauté homosexuelle dans le monde. Il y parvient, puisqu’au terme des séances, « des dizaines de personnes [viennent le] féliciter pour [son] travail, les larmes aux yeux ». Quelques années plus tard, il récidive avec GAL (2006), puis Todos estamos invitados (2008), un long-métrage signé Manuel Gutiérrez Aragón, grâce auquel il tente de dénoncer la situation des victimes de l’ETA et ce, malgré les risques qu’il court pendant le tournage.

Le risque, l’acteur aux multiples facettes le prend aussi en faisant régulièrement confiance à de jeunes réalisateurs. Il leur reconnaît un grand sérieux dans la préparation des scénarios, ainsi qu’« une humilité » qui leur permet de rester ouverts aux propositions des acteurs. Derniers en date à avoir bénéficié de sa confiance, les réalisateurs catalans Oriol Paulo et Jesús Monllaó, qui lui ont donné des rôles de choix dans El cuerpo (2012) et Fill de Caín (2013)… mais ne seront sans doute pas les derniers sur la liste.

A 57 ans, José Coronado est en effet loin d’avoir l’intention de raccrocher « son casque de travail ». Après sa collaboration dans Los últimos días des frères Pastor (2013) et son apparition dans un film français, En solitaire (2013), celui qui est considéré comme l'un des comédiens espagnols les plus prolifiques du cinéma actuel devrait revenir en mai 2014 sur le petit écran avec la série El Príncipe, dont « l’histoire se déroule dans l'un des plus dangereux quartiers de Ceuta, gangréné par le trafic de drogue, les guerres de religion et le développement de cellules djihadistes »… Tout un programme.

Julie Thoin-Bousquié


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Filmographie
 

Cinéma 

2013 - Los últimos días ; Hijo de Caín 

2012 - El cuerpo 

2011 - No habrá paz para los malvados  

2009 - Luna caliente

2008 - Todos estamos invitados  

2007 - Tuya siempre ; Masala 

2006 - GAL ; La dama boba ; La distancia ; Animales heridos ; La crisis carnívora

2004 - El Lobo ; Fuera del cuerpo ; A + (Amas) ; Cuidado con esos tres

2003 - Los Reyes Magos ; Lo mejor que le puede pasar a un cruasán ; La vida mancha

2002 - La vida de nadie ; Poniente ; La caja 507   

2001 - Anita no pierde el tren

2000 - Cascabel   

1999 - Goya en Burdeos  

1998 - Frontera Sur ; La vuelta de El Coyote ; La mirada del otro 

1997 - La desaparición de García Lorca

1994 - El cianuro... ¿solo o con leche? ; Una chica entre un millón 

1993 - Cucarachas 

1992 - El teniente Lorrena ; Aquí, el que no corre...vuela ; Salsa rosa  

1990 - Yo soy ésa ; La luna negra 

1988 - El tesoro ; Berlín Blues ; Jarrapellejos ; Brumal 

1987 - Waka-Waka 

Télévision

2014 - El Príncipe 

2013 - Aida 

2011 - Cheers 

2009 - 2010 - Acusados 

2007 - RIS Científica 

2006 - Estudio 1: La malquerida 

2005 - Abuela de verano 

2004 - Los 80 

2003 - Código fuego 

1998 - 2001 - Periodistas

1997 - Don Juan

1996 - Oh Espanya! 

1994 - 1995 - Hermanos de leche 

1994 - Compuesta y sin novio

1990 - 1991 - El gordo 

1989 - Brigada Central 

Théâtre 

2011 - Oleanna 

2008 - Hamlet 

2006 - Paseo romántico por la poesía española

1999 - La habitación azul

1997 - Algo en común

1993 - La señorita Julia 

1992 - El gran mercado del mundo 

1991 - Hécuba ; La pasión de amar 

1987 - El público

 

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