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La Niña de fuego de Caros Vermut

La Niña de fuego

Un Film de Carlos Vermut
Avec Luis Bermejo, Lucía Pollán, Bárbara Lennie, José Sacristán
Drame | Espagne | 2013 | 2h07
Goya 2015 de la meilleure actrice (Bárbara Lennie), Concha de Oro du meilleur film - Festival de San Sebastián , Concha de Plata du meilleur réalisateur- Festival de San Sebastián, Prix du jury Jeune - festival du cinéma espagnol de Nantes
La Niña de fuego : l’émotion contre la raison

En salle le 12 août, La Niña de fuego du réalisateur madrilène Carlos Vermut (lire notre interview) entremêle le destin de trois protagonistes pour offrir au spectateur un film sans fausses notes. Ici les personnages se laissent emporter par leurs émotions, engageant une lutte acharnée contre leur raison. Ce long-métrage n'épargne personne, pas même l'Espagne d'aujourd'hui. Et c'est l'image d'un pays en proie à ses contradictions qui se dessine en toile de fond.

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La traduction des titres de films d'une langue à l'autre reste toujours un mystère. Si Carlos Vermut a choisi d'intituler son film Magical Girl, en référence au nom d'un manga animé (Magical Girl Yukiko), le distributeur français, lui, a préféré La Niña de fuego, clin d'œil à la chanson éponyme de Manolo Caracol, qui revient tel un leitmotiv dans le film. Cette note folklorique serait-elle plus vendeuse en France ? Qu'importe cette bataille de titre, elle n'a pas empêché le film de séduire aussi bien le public français que ses voisins espagnols. Au dernier Festival de San Sebastián, il a décroché la Concha d'Or du Meilleur Film ainsi que celle d'argent du Meilleur Réalisateur. Et le Jury Jeune du Festival de Cinéma Espagnol de Nantes l'a également récompensé pour son « cocktail bien dosé de mystère, de cynisme et de tragédie ».

Un triangle vénéneux

Alicia (Lucía Pollán) est atteinte d'une leucémie incurable. Luis, son père (Luis Bermejo), professeur désabusé au chômage, tente de réaliser le dernier vœu de sa fille, aussi coûteux soit-il. Le rêve d'Alicia ? La robe de sa série japonaise préférée, Magical Girl Yukiko. Dans sa quête pour obtenir ce précieux cadeau, le père croise la route de la magnétique Bárbara (Bárbara Lennie), une femme fatale prisonnière d'un mari psychiatre, mais aussi de Damián (José Sacristán). Jusqu'où le désespoir de ce père le mènera-t-il ?

Toute la difficulté de La Niña de fuego réside à en parler sans pour autant révéler les fils complexes de son scénario. Le film se divise en trois chapitres ordonnant parfaitement le récit. Chaque chapitre est incarné par un personnage. "Mundo" suit Luis, un ancien professeur de littérature, "Demonio" apparaît sous les traits de Bárbara, psychologiquement instable, et "Carne" sous ceux de Damián, un professeur de mathématique qui sort de prison. Si au départ les personnages apparaissent séparément et sans véritable lien entre eux, ils finissent par se croiser et se rejoindre. La toile s'entremêle alors et tisse un récit construit au millimètre près, où tout s'emboîte parfaitement. Pourtant, la fin du film ne dissipera pas les doutes sur la compréhension de l'histoire, laissant au spectateur le choix de l'interprétation.

Tout comme certaines zones du récit, les protagonistes sont souvent hors-champ, débordant du cadre. Carlos Vermut garde une certaine délicatesse dans sa mise en scène, préférant suggérer plutôt que montrer, l'imagination s'avérant plus terrifiante et plus puissante que la réalité. Face aux ellipses et aux nombreux silences qui habitent le film, c'est au spectateur de combler les parts d'ombre et de trouver la pièce manquante du puzzle.

Une possible idée de l'Espagne

Licenciement, chômage, éducation... La Niña de fuego dresse aussi le portrait de l'actuelle Espagne, sur fond de crise économique. Dans cette critique sociale féroce, on trouve un peu de Buñuel. Mais Carlos Vermut va plus loin, avec une phrase prononcée par un personnage secondaire et qui résume toute la philosophie du film : « L'Espagne n'a pas encore réglé son conflit profond entre l'émotion et la raison, et c'est de là que vient la fascination pour le combat entre instinct et raison. » Le réalisateur donne ici une possible clé d'interprétation du film. Dans ce long-métrage, chacun des personnages se débat entre le rationnel et l'émotion, mais tous choisissent d'obéir à leur instinct, à leur pulsion.

Carlos Vermut, enfant de l'animation japonaise, illustrateur avant d'être réalisateur, offre donc avec La Niña de fuego un film complexe et maîtrisé où l'humour flirte avec le tragique, où la comédie côtoie le thriller et les accents surréalistes. Il impose un style, le sien. C'est le metteur en scène du moment, « la révélation espagnole du siècle », selon Pedro Almodóvar. Un réalisateur à suivre attentivement.

Elise Chevillard


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