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Affiche

Las Marimbas del Infierno

Un Film de Julio Hernández Cordón
Documentaire | Guatemala, France, Mexique | 2010 | 1h 14min
Paris cinéma 2011, Festival International de La Rochelle 2011, Heavy Metal Film Festival Los Angeles, TIFF, San Sebastián, Grand Prix Cinélatino de Toulouse
Bienvenidos a Ciudad Guatemala... dixit La Bacteria Crew
Tout se passe au Guatemala. Cette réalisation nous arrive presque huit ans après sa production. Le réalisateur vient de terminer le tournage de son septième film; Las Marimbas del Infierno était son premier documentaire. La puissance du film pourrait lui donner l'étiquette d'une expression artistique qui vous habite. Pas de date, un lieu, trois personnages. Le bateau n'est pas prêt d'échouer.
Du cinéma guerillero

La genèse du film est simple. Comme un tricot qu'on reprend de temps à autre juste pour s'éclaircir les esprits, Julio Hernández Cordón (d'origine méso-américaine comme il nous le confie dans notre entretien), veut tourner une histoire sans scénario. Il vient de finir un film et a besoin d'un autre genre d'expérience. Celle d'une histoire simple, de rencontres vraies avec de purs non-acteurs, d'une proposition visuelle défiant les territoires qui lui sont familiers au Guatemala. De quoi se ressourcer. De quoi nous en mettre plein le cœur. De quoi nous donner envie d'en voir plus de ce cinéaste pur. Son film donne plus d'une leçon à de nombreuses productions creuses. Ici c'est Ciriak Oriol, membre de Rouge Production, qui est aux commandes. Il croit en lui et en son projet. Pas besoin de formulaires, Julio et la réalisation, c'est une histoire de survie. Ciriak a eu raison de mettre à sa disposition le nécessaire pour qu'il puisse nous donner à voir un film si intelligent et profondément poétique. L'idée était là, les références sociales et géographiques dans les chairs du réalisateur, et la Sangre Humana (Cf. Groupe de Rock Guatemaltèque dont a fait partie l'un des personnages) a jailli sur les plans. Penser le film jour après jour, l'inventer et devancer l'imaginaire, le rendre sonore, le construire. Discuter, créer, filmer. Son projet guerillero, 20000 dollars, le matériel prêté, le personnel payé de manière rétroactive... un p...de bon film !

Puro Cine à vous en crever les yeux !

Pourquoi le métal est-il un courant musical très installé en Amérique latine ? Parce qu'il a le don d'exister envers et contre tout. Alors il devient le fidèle compagnon des personnages qui croient en un projet improbable, dans un pays bancal. Parce que le Métal est le révélateur du désordre d'état bien plus supérieur au plus heavy de tous les Métals ! Parce que la Niña de Guatemala n'est pas celle qui meurt d'amour même si José Martí affirme le contraire dans son poème. Trois personnages inspirés et interprétés par trois hommes brillent. Stars parce qu'ils sont purs à jamais. Don Alfonso (Alfonso Tuche), d'origine indigène, terrifié par une Mara est le joueur de Marimba, instrument populaire de la côte pacifique, tombé en désuétude. El Blacko (Roberto González Arévalo), le pionnier des métalleux du Guatemala ; un« Animal de la ciudad » comme il chante dans son groupe Guerreros del Metal, tout autant médecin non apprécié pour son look de rocker, dans un hôpital public que libre prêcheur. El Chiquilín (Víctor Hugo Monterroso), le jeune au sourire invincible, le Chaplin, le Rimbaud, le Lazarillo, le Vendedor de rosas... Le spectateur est littéralement tatoué par ces « gens que [Julio connait] et qui réalisent des projets impensables dans un pays comme le [sien] » (inscription du générique de fin). Ils s'unissent pour monter un groupe musical avec pour instrument phare, le bien-aimé marimba de Don Alfonso. Par eux affleurent, de manière surprenante, l'art contemporain guatemaltèque, l'amour, la trahison, le racisme, la marginalisation, les sourires, les larmes et l'espoir. S'enchaînent les plans fixes, les couleurs d'intérieurs acidulés, pastel aussi, des cadrages symétriques, des gros plans, des travellings extérieurs révélant des punch tags en réaction au chaos socio-politico-économique du pays. Les mailles de l'oeuvre se filent. On tourne dans la ville, dans les logements, dans les cœurs des Hommes grâce aussi aux stratégies de la cheffe opératrice : María Seco (La libertad del diablo de Everardo González, Te prometo anarquía de Julio Hernández Cordón). Au milieu, la China (Cesia Godoy), la troublante amoureuse de El Chiquilín aux allures de personnages de Virginie Despentes, des bâtiments nationaux vides de tout, des rues dégueulantes de vrais artistes cherchant dans des couloirs clairs-obscurs, face à des portes fermées et des bureaux inutilisés, un soutien à leurs projets impensables.

Alors la caméra de Julio Hernández et son équipe entrent dans ces ténèbres pour y mettre le feu. Que brûle Babylone et que renaissent de leurs cendres les anges de la création ! Que sonne le marimba, le cinéma guatémaltèque est bien là !

Les Rédacteurs


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